Approches IED et éco-toxicologiques pour la gestion des rejets industriels Les conclusions sur les Meilleures Techniques Disponibles (MTD) relatives aux systèmes communs de traitement/gestion des effluents aqueux et gazeux dans le secteur chimique (CWW) parues en 2016 ont introduit, pour la première fois dans le cadre de la directive sur les émissions industrielles (IED), l’obligation de mettre en place une surveillance des rejets aqueux faisant appel à des tests écotoxicologiques pour les sites chimiques concernés. Cette disposition a été depuis reprise dans le cadre du BREF Textile (publié en décembre 2022). A ce jour aucun Niveau d’Emission Associé (NEA) à cette MTD « écotox » n’a encore été fixé dans le cadre des documents de référence BREF. Toutefois, certains Etats membres ont déjà introduit des Valeurs Limites d’Emission (VLE) sur des essais de toxicité de manière systématique (l'Allemagne par exemple) ou au cas par cas (l’Autriche par exemple). L’intérêt de la caractérisation de l’écotoxicité des rejets aqueux par l’intermédiaire d’essais biologiques, est de considérer les effets potentiels de l’ensemble des polluants biodisponibles dans l’effluent. Il s’agit d’une approche intégratrice, qui toutefois, à elle seule, ne permet pas d’identifier la ou les substances en cause dans la mise en exergue d’un effet. Elle trouve donc un intérêt à être utilisée en complément ou de manière combinée à une surveillance de paramètres physico-chimiques ciblés. Des travaux sont menés dans le cadre du laboratoire national de référence (Aquaref), pour démontrer la pertinence des outils et permettre leur utilisation dans la surveillance des eaux. Un document Aquaref apporte des informations sur le sujet. Ces méthodes écotoxicologiques s’appliquent en pratique selon les mêmes principes directeurs dans les rejets ou dans les milieux. L’articulation entre les méthodes chimiques, écotoxicologiques (et écologiques), et les méthodes chimiques, écotoxicologiques (et écologiques) ainsi que leur articulation sont décrites dans un document d’orientation pour l’évaluation du risque chimique pour les écosystèmes (ERE), publié par l’Ineris en avril 2022. Les approches écotoxicologiques sont également poussées dans le cadre de la réglementation européenne sur les milieux aquatiques (Directive Cadre sur l’Eau 2000/60/CE), notamment pour la surveillance de certaines substances comme les œstrogènes. Méthodes basées sur les outils biologiques Les bioessais de laboratoire se répartissent globalement en deux grandes catégories : toxicité aiguë : essais à court terme qui permettent d'observer rapidement des manifestations toxiques significatives (par exemple, inhibition de la mobilité) jusqu’à la mort des organismes, toxicité chronique : essais à moyen et long terme qui se caractérisent par une exposition à de plus faibles concentrations de polluants mais qui peuvent aboutir, du fait de l'exposition prolongée, à des atteintes significatives des organismes considérés (par exemple inhibition de la croissance de la population, inhibition de la reproduction…). Par ailleurs, d'autres types d’effets peuvent être observés au niveau moléculaire ou biochimique lors d'expositions des organismes à des substances ayant des propriétés cumulatives, génotoxiques, cancérigènes, immunotoxiques ou pouvant altérer le système endocrinien. Un seul bioessai ne peut être sensible à l'ensemble des contaminants présents dans un rejet aqueux. Chaque organisme test présente, en effet, une spécificité propre de réponse en fonction des classes de contaminants. Il apparaît donc que seule une association de plusieurs essais biologiques (ou batterie d'essais) permet de caractériser de façon exhaustive les effets de l'échantillon environnemental considéré. Surveillance éco-toxicologique des rejets dans le cadre des BREF Les essais d’écotoxicité recommandés dans le cadre du BREF CWW (secteur de la chimie, MTD 4) et du BREF Textile (MTD 8) pour la surveillance des rejets aqueux permettent de mettre en évidence des effets toxiques généraux, de type aigu ou chronique. Ils font l’objet de protocoles normatifs, développés au niveau international depuis de nombreuses années, auxquels l’Ineris contribue activement en assurant la présidence de la commission T95E Ecotoxicologie de l’AFNOR et représentant la France dans des instances de normalisation internationales (ISO/TC 147 qualité de l’eau, CEN, OCDE). Ces essais couvrent différents niveaux trophiques (producteurs primaires, consommateurs primaires et consommateurs secondaires) Essais de toxicité aiguë sur bactéries luminescentes (Vibrio fischeri, NF EN ISO 11348), crustacés (Daphnia magna Straus, NF EN ISO 6341) et poissons (premiers stades de développement pour les œufs de poissons-zèbre Danio rerio, NF ISO 15088), Essais de toxicité chronique sur plusieurs espèces représentatives des producteurs primaires : les algues (NF EN ISO 8692, NF EN ISO 10253, NF EN ISO 10710) et la lentille d’eau (Lemna minor, NF EN ISO 20079). La liste des essais recommandés dans le BREF CWW a été complétée en ce qui concerne les lentilles d’eau dans le BREF textile. L’essai sur Spirodela polyrhiza (NF EN ISO 20227) prend en compte la croissance des premières frondes ayant germé à partir de turions (petits bourgeons végétatifs) sur une durée de 3 jours. Cet essai ne peut toutefois être considéré, pour l’instant, du fait d’un manque de recul et d’une évaluation des sensibilités respectives des deux essais sur rejets aqueux, comme équivalent à l’essai chronique d’une durée de 7 jours, décrit dans la norme NF EN ISO 20079, sur Lemna minor. Parmi les producteurs primaires autres que les lentilles d’eau, les différentes espèces d’algues proposées permettent de couvrir différents milieux récepteurs (eaux douces : Pseudokirchneriella subcapitata ou Desmodesmus subspicatus ; eaux saumâtres et marines : Ceramium tenuicorne ; eaux marines : Skeletonema costatum, ou Phaeodactylum tricornutum). Il est donc possible de sélectionner l’essai en accord avec le milieu récepteur des effluents aqueux afin de se rapprocher des conditions réelles et donc de l’identification d’un éventuel impact sur le milieu récepteur. De plus, ces différentes espèces peuvent également permettre de mieux appréhender les effets toxiques des effluents salins. Cette batterie de tests permet donc d’apporter une information pertinente sur l’écotoxicité globale de l’effluent. Elle ne permettra toutefois pas d’identifier spécifiquement des substances à l’origine de certains types d’effets car elle n’intègre pas de tests (ou bioessais) spécifique d’un mode d’action toxique (par exemple perturbation endocrinienne). Si la MTD relative à la surveillance des rejets aqueux par l’intermédiaire d’essais écotoxicologiques mentionne que la fréquence minimale de surveillance doit être déterminée sur la base d'une évaluation des risques, après caractérisation initiale, la notion de caractérisation initiale de l’écotoxicité de l’effluent aqueux n’est pas développée dans les conclusions sur les MTD. De même, les contours de l’évaluation des risques, permettant de déterminer cette fréquence minimale de surveillance, n’ont pas non plus été définis. Les principes généraux d’une évaluation des risques pour les écosystèmes à l’aide de bioessais sont décrits plus avant dans le chapitre 3.La caractérisation initiale doit donc être déclinée au niveau de chaque Etat Membre en ce qui concerne les modalités pratiques, le nombre des données à collecter pour disposer d’une caractérisation initiale robuste et la batterie d’essais à appliquer. Les experts de l’Ineris sont impliqués depuis plusieurs années dans la mise en œuvre de cette MTD sur différents sites industriels et accompagnent le ministère en charge de l’environnement pour poser les bases d’une démarche nationale commune aux sites industriels concernés afin d’harmoniser la phase de caractérisation initiale de l’écotoxicité des effluents et la sélection des essais à appliquer pour la surveillance périodique. Approche complémentaire de gestion des effluents industriels basée sur des outils biologiques Les approches écotoxicologiques peuvent s’intégrer dans une stratégie plus complète visant à approfondir la caractérisation d’un effluent toxique par la recherche de la source, au sein de l’installation industrielle, entrainant l’écotoxicité constatée. La méthode Whole Effluent Assessment (WEA) est décrite notamment dans le BREF CWW, et consiste à estimer grâce à des bioessais, la persistance, le potentiel de bioaccumulation et la toxicité des rejets aqueux de manière globale. Elle permet également d'évaluer le caractère dangereux potentiel des effluents qui pourrait être insuffisamment contrôlé si l’on raisonne uniquement sur les indications fournies par des paramètres environnementaux conventionnels (ex : DCO, COT), ou par substance. Dans le cas où la toxicité d’un effluent est ainsi mise en évidence, la méthodologie TIE/TRE (Toxicity Identification/Reduction Evaluations) est une méthode itérative, qui permet d’identifier la source de la toxicité pour chaque rejet individuel du process. Cette démarche permet de localiser la source et ainsi réduire la toxicité : - en modifiant cette étape du process, par exemple en substituant la ou les substances utilisées ; - En collectant ce rejet individuel pour un traitement spécifique. Dans le cas des sites produisant des composés pharmaceutiques, phytopharmaceutiques, biocides et dans le cas des sites complexes à multiproductions/plateformes industrielles, mais aussi pour des usines mettant en œuvre de nombreux produits comme la production textile, la surveillance usuelle sur des composés spécifiques peut-être difficile à mettre en œuvre. Il peut alors être envisagé d’inclure ce type d’étude afin d’identifier les ateliers, lignes de production ou type de production pour lesquels des effets sont mis en exergue. Les informations ainsi obtenues sont alors des données d’entrée extrêmement intéressantes pour la mise en œuvre de la MTD relative à l’inventaire des flux. Utilisation des outils biologiques dans d’autres contextes de surveillance des rejets industriels Au-delà du cadre spécifique des MTD, l’application d’outils écotoxicologiques à des fins réglementaires ou prospectives est une démarche assez ancienne et éprouvée. L’Ineris accompagne ainsi les industriels en proposant des prestations adaptées au besoin, que ce soit dans une démarche volontaire pour l’identification précoce de risque ou la mise en place d’une surveillance ou la réalisation d’une évaluation des risques pour les écosystèmes. Redevance pour pollution de l’eau Le paramètre Matières inhibitrices (MI) est un élément constitutif de la pollution utilisé pour le calcul de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique des agences de l’eau. Il est représentatif de la toxicité d’un rejet : il désigne l'ensemble des polluants des eaux - minéraux et organiques - ayant une toxicité suffisante pour inhiber le développement et/ou l'activité des organismes aquatiques. L'unité de mesure est l'équitox (eq) et le kiloéquitox (keq ou ket) : quantité de toxicité qui, dans 1 m3 d'eau, immobilise, au bout de 24 heures, 50 % des daphnies présentes. Les activités soumises à l’autorisation environnementale (ICPE et IOTA) sont tenues de considérer les incidences notables sur l'environnement des projets déposés. Si de telles incidences sur les écosystèmes ou la biodiversité sont à prévoir (ou sont constatées), il est nécessaire de recourir à la démarche d’évaluation des risques pour les écosystèmes (ERE). Le document d’orientation pour l’évaluation du risque chimique pour les écosystèmes rappelle le contenu règlementaire attendu d’une ERE, la démarche à suivre et décrit les trois approches généralement suivies. On distingue en effet l’approche « chimique », l’approche « écotoxicité des matrices environnementales » et l’approche « écologique » pour caractériser les impacts sur les écosystèmes : - L’approche substance (ou approche chimique) évalue le risque par l’étude de la toxicité des substances émises par un site industriel ou présentes dans un milieu pollué, les outils de cette approche sont notamment utilisés dans la MTD relative à l’inventaire des flux présente dans la majorité des BREF révisés depuis 2016. La finalité de la démarche est alors d’identifier à quel niveau il est possible d’intervenir pour réduire les impacts sur les écosystèmes. - L’approche écotoxicité des matrices environnementales (ou approche matrice, ou approche écotoxicologique) évalue le risque que représente à la fois le mélange de substances dans la matrice (sols, eaux superficielles, effluents) et les caractéristiques physiques de la matrice (texture du sol, acidité de l’eau, etc…) en utilisant une batterie de bioessais, - L’approche écologique évalue le risque par une mesure de l’abondance et de la diversité des espèces présentes sur le site étudié. Les outils de cette approche sont notamment déployés dans le cadre de la DCE pour prendre en compte la protection de la biodiversité (IBGN, indice diatomée, indice poisson et indice macrophytes par exemple). Trois approches possibles pour évaluer les effets d'une pollution L’approche reposant sur l’écotoxicité des matrices environnementales » propose d’évaluer le risque pour les écosystèmes lié au rejet de substances chimiques dans les milieux en se basant sur les résultats de bioessais effectués avec des matrices prélevées ou construites (les effluents), telles quelles ou éventuellement diluées. Ainsi, selon le contexte (activité existante, effluent prévisible, etc.…), il est possible de conduire cette ERE en utilisant l’approche écotoxicologique, c’est à dire en utilisant les résultats d’une batterie d’essais d’écotoxicité réalisés avec des prélèvements d’effluents issus des process. Le document d’orientation formule des recommandations pour articuler ces résultats, éventuellement avec les outils issus des autres approches et renvoie à des documents techniques de référence pour les mettre en œuvre. Evaluation des risques selon l’approche écotoxicologique (avec dilution de l’effluent contaminé) La caractérisation de l’écotoxicité de l’effluent s’obtient en analysant les résultats d’essais d’écotoxicité organisés en batterie. La démarche s’effectue en une ou deux phases : Dans un premier temps, le risque est évalué sur des critères d’effets létaux et/ou des temps d’exposition courts, les essais utilisés sont dits « aigus » ou « court terme ». Un risque pour les écosystèmes peut déjà être identifié à ce niveau. Si le risque est acceptable du point de vue de la première série de bioessai, une seconde série comportant des bioessais dits « chroniques » ou « long terme » basés sur des critères sublétaux et des temps d’exposition longs est utilisée afin de confirmer ou infirmer ce résultat. Cette méthode en deux paliers permet d’économiser des ressources en termes de temps, de coût et éviter de sacrifier des organismes. En effet, si des effets néfastes sont observés après un temps d’exposition court, la matrice présente un risque pour la biodiversité et il n’est pas nécessaire de recourir aux effets chroniques plus chronophages et généralement plus onéreux et nécessitant un nombre plus élevé d’organismes. La caractérisation de l’exposition du milieu naturel s’effectue par le biais de l’élaboration de différents scénarios d’exposition. Un scénario d’exposition est constitué par des hypothèse de travail qui vont définir les données d’entrée qui sont considérées comme par exemple le débit quinquennal du cours d’eau récepteur, la fréquence des rejets, le volume mensuel des rejets, etc... Ces hypothèses retenues pour établir les scénarios d’exposition sont plus ou moins majorants en fonction de la disponibilité des données et la part résiduelle d’incertitude. En plus de permettre la réalisation d’une ERE en se basant sur la caractérisation de l’écotoxicité des effluents rejetés (par exemple), il est possible d’appliquer les principes de la méthode dans un contexte de suivi environnemental. Plusieurs objectifs peuvent être poursuivis : Contrôler l’efficacité des mesures de gestion mises en place. Les bioessais sélectionnés sont ciblés sur des effets et des espèces pertinents du point de vue des impacts identifiés pendant l’évaluation de l’écotoxicité de l’effluent ; Surveiller l’évolution de la toxicité d’un rejet lorsque les procédés de production sont amenés à changer. La batterie de bioessais sélectionnés est plus classique et doit permettre d’atteindre un objectif de protection large.
Approches IED et éco-toxicologiques pour la gestion des rejets industriels Les conclusions sur les Meilleures Techniques Disponibles (MTD) relatives aux systèmes communs de traitement/gestion des effluents aqueux et gazeux dans le secteur chimique (CWW) parues en 2016 ont introduit, pour la première fois dans le cadre de la directive sur les émissions industrielles (IED), l’obligation de mettre en place une surveillance des rejets aqueux faisant appel à des tests écotoxicologiques pour les sites chimiques concernés. Cette disposition a été depuis reprise dans le cadre du BREF Textile (publié en décembre 2022). A ce jour aucun Niveau d’Emission Associé (NEA) à cette MTD « écotox » n’a encore été fixé dans le cadre des documents de référence BREF. Toutefois, certains Etats membres ont déjà introduit des Valeurs Limites d’Emission (VLE) sur des essais de toxicité de manière systématique (l'Allemagne par exemple) ou au cas par cas (l’Autriche par exemple). L’intérêt de la caractérisation de l’écotoxicité des rejets aqueux par l’intermédiaire d’essais biologiques, est de considérer les effets potentiels de l’ensemble des polluants biodisponibles dans l’effluent. Il s’agit d’une approche intégratrice, qui toutefois, à elle seule, ne permet pas d’identifier la ou les substances en cause dans la mise en exergue d’un effet. Elle trouve donc un intérêt à être utilisée en complément ou de manière combinée à une surveillance de paramètres physico-chimiques ciblés. Des travaux sont menés dans le cadre du laboratoire national de référence (Aquaref), pour démontrer la pertinence des outils et permettre leur utilisation dans la surveillance des eaux. Un document Aquaref apporte des informations sur le sujet. Ces méthodes écotoxicologiques s’appliquent en pratique selon les mêmes principes directeurs dans les rejets ou dans les milieux. L’articulation entre les méthodes chimiques, écotoxicologiques (et écologiques), et les méthodes chimiques, écotoxicologiques (et écologiques) ainsi que leur articulation sont décrites dans un document d’orientation pour l’évaluation du risque chimique pour les écosystèmes (ERE), publié par l’Ineris en avril 2022. Les approches écotoxicologiques sont également poussées dans le cadre de la réglementation européenne sur les milieux aquatiques (Directive Cadre sur l’Eau 2000/60/CE), notamment pour la surveillance de certaines substances comme les œstrogènes. Méthodes basées sur les outils biologiques Les bioessais de laboratoire se répartissent globalement en deux grandes catégories : toxicité aiguë : essais à court terme qui permettent d'observer rapidement des manifestations toxiques significatives (par exemple, inhibition de la mobilité) jusqu’à la mort des organismes, toxicité chronique : essais à moyen et long terme qui se caractérisent par une exposition à de plus faibles concentrations de polluants mais qui peuvent aboutir, du fait de l'exposition prolongée, à des atteintes significatives des organismes considérés (par exemple inhibition de la croissance de la population, inhibition de la reproduction…). Par ailleurs, d'autres types d’effets peuvent être observés au niveau moléculaire ou biochimique lors d'expositions des organismes à des substances ayant des propriétés cumulatives, génotoxiques, cancérigènes, immunotoxiques ou pouvant altérer le système endocrinien. Un seul bioessai ne peut être sensible à l'ensemble des contaminants présents dans un rejet aqueux. Chaque organisme test présente, en effet, une spécificité propre de réponse en fonction des classes de contaminants. Il apparaît donc que seule une association de plusieurs essais biologiques (ou batterie d'essais) permet de caractériser de façon exhaustive les effets de l'échantillon environnemental considéré. Surveillance éco-toxicologique des rejets dans le cadre des BREF Les essais d’écotoxicité recommandés dans le cadre du BREF CWW (secteur de la chimie, MTD 4) et du BREF Textile (MTD 8) pour la surveillance des rejets aqueux permettent de mettre en évidence des effets toxiques généraux, de type aigu ou chronique. Ils font l’objet de protocoles normatifs, développés au niveau international depuis de nombreuses années, auxquels l’Ineris contribue activement en assurant la présidence de la commission T95E Ecotoxicologie de l’AFNOR et représentant la France dans des instances de normalisation internationales (ISO/TC 147 qualité de l’eau, CEN, OCDE). Ces essais couvrent différents niveaux trophiques (producteurs primaires, consommateurs primaires et consommateurs secondaires) Essais de toxicité aiguë sur bactéries luminescentes (Vibrio fischeri, NF EN ISO 11348), crustacés (Daphnia magna Straus, NF EN ISO 6341) et poissons (premiers stades de développement pour les œufs de poissons-zèbre Danio rerio, NF ISO 15088), Essais de toxicité chronique sur plusieurs espèces représentatives des producteurs primaires : les algues (NF EN ISO 8692, NF EN ISO 10253, NF EN ISO 10710) et la lentille d’eau (Lemna minor, NF EN ISO 20079). La liste des essais recommandés dans le BREF CWW a été complétée en ce qui concerne les lentilles d’eau dans le BREF textile. L’essai sur Spirodela polyrhiza (NF EN ISO 20227) prend en compte la croissance des premières frondes ayant germé à partir de turions (petits bourgeons végétatifs) sur une durée de 3 jours. Cet essai ne peut toutefois être considéré, pour l’instant, du fait d’un manque de recul et d’une évaluation des sensibilités respectives des deux essais sur rejets aqueux, comme équivalent à l’essai chronique d’une durée de 7 jours, décrit dans la norme NF EN ISO 20079, sur Lemna minor. Parmi les producteurs primaires autres que les lentilles d’eau, les différentes espèces d’algues proposées permettent de couvrir différents milieux récepteurs (eaux douces : Pseudokirchneriella subcapitata ou Desmodesmus subspicatus ; eaux saumâtres et marines : Ceramium tenuicorne ; eaux marines : Skeletonema costatum, ou Phaeodactylum tricornutum). Il est donc possible de sélectionner l’essai en accord avec le milieu récepteur des effluents aqueux afin de se rapprocher des conditions réelles et donc de l’identification d’un éventuel impact sur le milieu récepteur. De plus, ces différentes espèces peuvent également permettre de mieux appréhender les effets toxiques des effluents salins. Cette batterie de tests permet donc d’apporter une information pertinente sur l’écotoxicité globale de l’effluent. Elle ne permettra toutefois pas d’identifier spécifiquement des substances à l’origine de certains types d’effets car elle n’intègre pas de tests (ou bioessais) spécifique d’un mode d’action toxique (par exemple perturbation endocrinienne). Si la MTD relative à la surveillance des rejets aqueux par l’intermédiaire d’essais écotoxicologiques mentionne que la fréquence minimale de surveillance doit être déterminée sur la base d'une évaluation des risques, après caractérisation initiale, la notion de caractérisation initiale de l’écotoxicité de l’effluent aqueux n’est pas développée dans les conclusions sur les MTD. De même, les contours de l’évaluation des risques, permettant de déterminer cette fréquence minimale de surveillance, n’ont pas non plus été définis. Les principes généraux d’une évaluation des risques pour les écosystèmes à l’aide de bioessais sont décrits plus avant dans le chapitre 3.La caractérisation initiale doit donc être déclinée au niveau de chaque Etat Membre en ce qui concerne les modalités pratiques, le nombre des données à collecter pour disposer d’une caractérisation initiale robuste et la batterie d’essais à appliquer. Les experts de l’Ineris sont impliqués depuis plusieurs années dans la mise en œuvre de cette MTD sur différents sites industriels et accompagnent le ministère en charge de l’environnement pour poser les bases d’une démarche nationale commune aux sites industriels concernés afin d’harmoniser la phase de caractérisation initiale de l’écotoxicité des effluents et la sélection des essais à appliquer pour la surveillance périodique. Approche complémentaire de gestion des effluents industriels basée sur des outils biologiques Les approches écotoxicologiques peuvent s’intégrer dans une stratégie plus complète visant à approfondir la caractérisation d’un effluent toxique par la recherche de la source, au sein de l’installation industrielle, entrainant l’écotoxicité constatée. La méthode Whole Effluent Assessment (WEA) est décrite notamment dans le BREF CWW, et consiste à estimer grâce à des bioessais, la persistance, le potentiel de bioaccumulation et la toxicité des rejets aqueux de manière globale. Elle permet également d'évaluer le caractère dangereux potentiel des effluents qui pourrait être insuffisamment contrôlé si l’on raisonne uniquement sur les indications fournies par des paramètres environnementaux conventionnels (ex : DCO, COT), ou par substance. Dans le cas où la toxicité d’un effluent est ainsi mise en évidence, la méthodologie TIE/TRE (Toxicity Identification/Reduction Evaluations) est une méthode itérative, qui permet d’identifier la source de la toxicité pour chaque rejet individuel du process. Cette démarche permet de localiser la source et ainsi réduire la toxicité : - en modifiant cette étape du process, par exemple en substituant la ou les substances utilisées ; - En collectant ce rejet individuel pour un traitement spécifique. Dans le cas des sites produisant des composés pharmaceutiques, phytopharmaceutiques, biocides et dans le cas des sites complexes à multiproductions/plateformes industrielles, mais aussi pour des usines mettant en œuvre de nombreux produits comme la production textile, la surveillance usuelle sur des composés spécifiques peut-être difficile à mettre en œuvre. Il peut alors être envisagé d’inclure ce type d’étude afin d’identifier les ateliers, lignes de production ou type de production pour lesquels des effets sont mis en exergue. Les informations ainsi obtenues sont alors des données d’entrée extrêmement intéressantes pour la mise en œuvre de la MTD relative à l’inventaire des flux. Utilisation des outils biologiques dans d’autres contextes de surveillance des rejets industriels Au-delà du cadre spécifique des MTD, l’application d’outils écotoxicologiques à des fins réglementaires ou prospectives est une démarche assez ancienne et éprouvée. L’Ineris accompagne ainsi les industriels en proposant des prestations adaptées au besoin, que ce soit dans une démarche volontaire pour l’identification précoce de risque ou la mise en place d’une surveillance ou la réalisation d’une évaluation des risques pour les écosystèmes. Redevance pour pollution de l’eau Le paramètre Matières inhibitrices (MI) est un élément constitutif de la pollution utilisé pour le calcul de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique des agences de l’eau. Il est représentatif de la toxicité d’un rejet : il désigne l'ensemble des polluants des eaux - minéraux et organiques - ayant une toxicité suffisante pour inhiber le développement et/ou l'activité des organismes aquatiques. L'unité de mesure est l'équitox (eq) et le kiloéquitox (keq ou ket) : quantité de toxicité qui, dans 1 m3 d'eau, immobilise, au bout de 24 heures, 50 % des daphnies présentes. Les activités soumises à l’autorisation environnementale (ICPE et IOTA) sont tenues de considérer les incidences notables sur l'environnement des projets déposés. Si de telles incidences sur les écosystèmes ou la biodiversité sont à prévoir (ou sont constatées), il est nécessaire de recourir à la démarche d’évaluation des risques pour les écosystèmes (ERE). Le document d’orientation pour l’évaluation du risque chimique pour les écosystèmes rappelle le contenu règlementaire attendu d’une ERE, la démarche à suivre et décrit les trois approches généralement suivies. On distingue en effet l’approche « chimique », l’approche « écotoxicité des matrices environnementales » et l’approche « écologique » pour caractériser les impacts sur les écosystèmes : - L’approche substance (ou approche chimique) évalue le risque par l’étude de la toxicité des substances émises par un site industriel ou présentes dans un milieu pollué, les outils de cette approche sont notamment utilisés dans la MTD relative à l’inventaire des flux présente dans la majorité des BREF révisés depuis 2016. La finalité de la démarche est alors d’identifier à quel niveau il est possible d’intervenir pour réduire les impacts sur les écosystèmes. - L’approche écotoxicité des matrices environnementales (ou approche matrice, ou approche écotoxicologique) évalue le risque que représente à la fois le mélange de substances dans la matrice (sols, eaux superficielles, effluents) et les caractéristiques physiques de la matrice (texture du sol, acidité de l’eau, etc…) en utilisant une batterie de bioessais, - L’approche écologique évalue le risque par une mesure de l’abondance et de la diversité des espèces présentes sur le site étudié. Les outils de cette approche sont notamment déployés dans le cadre de la DCE pour prendre en compte la protection de la biodiversité (IBGN, indice diatomée, indice poisson et indice macrophytes par exemple). Trois approches possibles pour évaluer les effets d'une pollution L’approche reposant sur l’écotoxicité des matrices environnementales » propose d’évaluer le risque pour les écosystèmes lié au rejet de substances chimiques dans les milieux en se basant sur les résultats de bioessais effectués avec des matrices prélevées ou construites (les effluents), telles quelles ou éventuellement diluées. Ainsi, selon le contexte (activité existante, effluent prévisible, etc.…), il est possible de conduire cette ERE en utilisant l’approche écotoxicologique, c’est à dire en utilisant les résultats d’une batterie d’essais d’écotoxicité réalisés avec des prélèvements d’effluents issus des process. Le document d’orientation formule des recommandations pour articuler ces résultats, éventuellement avec les outils issus des autres approches et renvoie à des documents techniques de référence pour les mettre en œuvre. Evaluation des risques selon l’approche écotoxicologique (avec dilution de l’effluent contaminé) La caractérisation de l’écotoxicité de l’effluent s’obtient en analysant les résultats d’essais d’écotoxicité organisés en batterie. La démarche s’effectue en une ou deux phases : Dans un premier temps, le risque est évalué sur des critères d’effets létaux et/ou des temps d’exposition courts, les essais utilisés sont dits « aigus » ou « court terme ». Un risque pour les écosystèmes peut déjà être identifié à ce niveau. Si le risque est acceptable du point de vue de la première série de bioessai, une seconde série comportant des bioessais dits « chroniques » ou « long terme » basés sur des critères sublétaux et des temps d’exposition longs est utilisée afin de confirmer ou infirmer ce résultat. Cette méthode en deux paliers permet d’économiser des ressources en termes de temps, de coût et éviter de sacrifier des organismes. En effet, si des effets néfastes sont observés après un temps d’exposition court, la matrice présente un risque pour la biodiversité et il n’est pas nécessaire de recourir aux effets chroniques plus chronophages et généralement plus onéreux et nécessitant un nombre plus élevé d’organismes. La caractérisation de l’exposition du milieu naturel s’effectue par le biais de l’élaboration de différents scénarios d’exposition. Un scénario d’exposition est constitué par des hypothèse de travail qui vont définir les données d’entrée qui sont considérées comme par exemple le débit quinquennal du cours d’eau récepteur, la fréquence des rejets, le volume mensuel des rejets, etc... Ces hypothèses retenues pour établir les scénarios d’exposition sont plus ou moins majorants en fonction de la disponibilité des données et la part résiduelle d’incertitude. En plus de permettre la réalisation d’une ERE en se basant sur la caractérisation de l’écotoxicité des effluents rejetés (par exemple), il est possible d’appliquer les principes de la méthode dans un contexte de suivi environnemental. Plusieurs objectifs peuvent être poursuivis : Contrôler l’efficacité des mesures de gestion mises en place. Les bioessais sélectionnés sont ciblés sur des effets et des espèces pertinents du point de vue des impacts identifiés pendant l’évaluation de l’écotoxicité de l’effluent ; Surveiller l’évolution de la toxicité d’un rejet lorsque les procédés de production sont amenés à changer. La batterie de bioessais sélectionnés est plus classique et doit permettre d’atteindre un objectif de protection large.