Evaluer le risque chronique L’évaluation en risque chronique à l’Ineris porte principalement sur deux domaines : la santé humaine ; les milieux et écosystèmes naturels. Si les pouvoirs publics se sont préoccupés des dangers des substances chimiques dès les années 1960, les principes méthodologiques d’évaluation en usage aujourd’hui se sont imposés à partir de la fin des années 1990. L’évaluation des dangers et des risques pour la santé et pour les milieux naturels déploient aujourd’hui des approches convergentes. Depuis la fin des années 1960, les réglementations relatives aux substances chimiques exigent de la part des fabricants d’identifier les dangers inhérents aux substances qu’ils produisent. Il faut cependant attendre le début des années 1990 pour que soit introduite l’obligation d’évaluer les dangers des substances avant leur commercialisation, tant dans une optique de protection de la santé humaine que de préservation des milieux naturels. L’évaluation de risque écologique et sanitaire à l’échelle d’une zone géographique ou d’un territoire (zone urbaine ou rurale, commune ou groupes de communes, région…) a pour point de départ la loi du 16 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de l’environnement. Cette loi prescrit l’étude d’impact, diagnostic des effets directs et indirects d’une installation industrielle sur le milieu naturel environnant et sur la santé des riverains habitant à proximité de l’installation. Dans les années 1980 et 1990 en France, les principes de l’évaluation des risques pour les écosystèmes se sont progressivement imposés pour des contextes très variés d’atteintes au milieu naturel (émissions d’exploitations industrielles en fonctionnement, sites et sols pollués, pratiques phytosanitaires en agriculture, valorisation de déchets…). Les fondements méthodologiques des évaluations du risque sanitaire dû à la présence de substances chimiques dans l’environnement ont été établis dans les mêmes décennies et se sont rapidement standardisées et généralisées au tournant des années 2000. A partir des années 2000, les approches sanitaires et écologiques font l’objet d’une réflexion méthodologique et d’une action politique communes, comme en témoigne le premier plan national santé-environnement en 2004. Les domaines d'application de l'évaluation en risque chronique L’évaluation des risques pour les milieux naturels et la santé humaine se décline en trois grandes approches en fonction de ses objectifs. L’approche « substance » ne porte que sur les effets sur le milieu d’une substance considérée individuellement, dans le cas d’un produit chimique destiné à la commercialisation par exemple. Elle est ainsi utilisée dans le cadre de la sécurité des produits chimiques (règlement REACH). La démarche d’évaluation vise à définir a priori la probabilité d’effets dangereux de la substance pour les milieux naturels ou pour la santé humaine, durant toutes les phases du cycle de vie de cette substance : depuis la production, la formulation et l’utilisation jusqu’au recyclage et l’élimination finale. L’approche « matrice » (au sens matrice environnementale, support dans lequel se retrouve fixée une substance chimique) s’intéresse uniquement aux effets d’une matrice contaminée par des molécules chimiques sur le milieu récepteur dans lequel elle se trouve : les effets peuvent toucher les milieux naturels (faune et flore…) comme la santé des populations. Cette démarche d’évaluation est par exemple utilisée dans le cadre des filières de recyclage de matériaux issus de la valorisation de déchets ou de sédiments pollués. Elle est également mise en œuvre dans le cadre des politiques d’information et d’étiquetage des produits de consommation pouvant avoir un impact sur la qualité de l’air intérieur : produits de décoration, parfums d’intérieur, produits ménagers… L’approche « milieu » ou « territoire » traite des effets de toutes les substances présentes dans un milieu donné ou dans une zone géographique donnée. Cette approche est par exemple développée dans le cadre de politique de surveillance et préservation des milieux (Directive Cadre sur l’Eau…), dans le cas de gestion de sites pollués, pour réglementer les activités industrielles à risque (évaluation de risque sanitaire), dans la réalisation d’études de zone à l’échelle régionale, pour identifier les inégalités environnementales sur le territoire français. La démarche d’évaluation du risque doit prendre en compte des effets (ou stress environnementaux), sur plusieurs niveaux d’organisation d’un milieu : individu, groupes de population, population entière en matière de risque sanitaire ; individus, populations communautés, écosystèmes en matière de risque écologique. L’évaluation considère les effets directs sur l’individu, les bouleversements dans la dynamique d’une population ou d’un groupe de population, les perturbations dans les interactions entre les espèces dans un écosystème. Les étapes de l’évaluation en risque chronique Aujourd’hui, malgré des objectifs, des objets d’étude, une terminologie, des critères d’appréciation et des pratiques différentes, on peut distinguer quatre grandes étapes similaires dans les démarches d’évaluation des risques écologiques et sanitaires. Les deux premières correspondent à la caractérisation des dangers, les deux suivantes à l’évaluation du risque proprement dite. La première étape procède à l’identification des dangers des substances, qui permet de déterminer, pour chaque cible, le type d’effet associé à une exposition potentielle à la substance Il s’agit d’identifier les effets qu’une substance a la capacité de produire du fait de ses propriétés intrinsèques : toxicité pour l’homme et/ou l’environnement, mode d’action, types d’effet (cancérigène, reprotoxique, bioaccumulable…), susceptibles d’être engendrés sur les organismes vivants (organes humains cibles, espèces végétales ou animales sensibles…). La recherche d’informations sur la toxicité d’une substance s’appuie sur différentes sources : fiches de données de sécurité (FDS) réglementaires, monographies techniques ou scientifiques sur des substances, données obtenues en situation d’urgence ou accidentelles… Au cours la deuxième phase, il s’agit de déterminer quantitativement et qualitativement la gravité de ces effets néfastes. Il est établi une relation entre la quantité (concentration) de substance dangereuse et les changements qu’elle induit sur le milieu ou sur l’organisme cible. Dans le domaine sanitaire, ce rapport est appelé « relation dose-réponse » et il est exprimé par des valeurs toxicologiques de référence (VTR). Pour chaque substance, il existe plusieurs VTR en fonction de l’existence ou non d’un seuil pour l’effet considéré, du type d’« effet critique » (premier effet néfaste qui survient quand on accroît la dose), de la voie d’exposition, de la durée d’exposition. Dans le domaine de l’environnement, on estime une « concentration prévisible sans effets sur le milieu » (Predictive No Effect Concentration – PNEC), généralement sur la base de résultats de bio-essais en laboratoire. Il est conseillé de réaliser ces essais sur des espèces représentatives d’au moins trois niveaux de la chaîne alimentaire d’un écosystème, dite chaîne trophique (par exemple algues, invertébrés, poissons pour les milieux aquatiques). La difficulté majeure est d’extrapoler des résultats obtenus à petite échelle en conditions contrôlées à des situations réelles. L’étude peut donc aussi avoir recours à des expérimentations à moyenne échelle (mésocosmes par exemple) ou des études réalisées sur le terrain (in situ). En fonction de la plus ou moins grande disponibilité des données, ces valeurs de référence intègrent des facteurs de sécurité. La troisième étape consiste à estimer les expositions. Cette estimation quantitative nécessite de déterminer les concentrations potentielles de substance présentes dans l’environnement des organismes exposés, de répertorier les voies par lesquels les organismes vivants sont exposés à la substance, d’étudier les phénomènes de transfert des substances à l’intérieur de cet environnement depuis la source d’émission, de prendre en compte les usages quotidiens et les pratiques culturelles des personnes exposées. Pour les écosystèmes, l’estimation de l’exposition donne lieu au calcul d’une « concentration environnementale prévisible » (Predictive Environmental Concentration – PEC). Elle est exprimée pour la santé humaine en « dose journalière d’exposition » (DJE) pour l’ingestion et en « concentration moyenne inhalée » (CI). Cette quantification peut être réalisée sur la base de données de mesure (dans l’organisme et/ou dans les milieux) et sur la base de projections (modélisation) permettant de calculer des concentrations d’exposition puis des niveaux d’exposition. L’étape finale est la phase de caractérisation du risque qui intègre l’estimation des effets et des expositions pour exprimer la probabilité d’un impact sur la santé ou les écosystèmes. Il consiste à calculer des indicateurs exprimant le rapport entre les effets d’une substance et les expositions. En matière sanitaire, ces indicateurs (« quotient de danger » pour les effets à seuil et « excès de risques individuels » pour les effets sans seuil) sont calculés pour chaque substance, chaque voie d’exposition, chaque catégorie de population exposée. Le risque est jugé préoccupant si l’indicateur dépasse une valeur prédéfini (supérieur à 1 pour le quotient de danger et à 0,0001 pour l’excès de risque individuel). Pour les écosystèmes, la méthode la plus couramment utilisée est le ratio ou quotient de risque, qui repose sur le rapport entre concentration d’effets prévisibles et concentration d’absence d’effets prévisibles. Si le calcul du rapport PEC/PNEC est inférieur à 1, le risque est jugé acceptable, s’il est supérieur, le risque est jugé inacceptable.
Evaluer le risque chronique L’évaluation en risque chronique à l’Ineris porte principalement sur deux domaines : la santé humaine ; les milieux et écosystèmes naturels. Si les pouvoirs publics se sont préoccupés des dangers des substances chimiques dès les années 1960, les principes méthodologiques d’évaluation en usage aujourd’hui se sont imposés à partir de la fin des années 1990. L’évaluation des dangers et des risques pour la santé et pour les milieux naturels déploient aujourd’hui des approches convergentes. Depuis la fin des années 1960, les réglementations relatives aux substances chimiques exigent de la part des fabricants d’identifier les dangers inhérents aux substances qu’ils produisent. Il faut cependant attendre le début des années 1990 pour que soit introduite l’obligation d’évaluer les dangers des substances avant leur commercialisation, tant dans une optique de protection de la santé humaine que de préservation des milieux naturels. L’évaluation de risque écologique et sanitaire à l’échelle d’une zone géographique ou d’un territoire (zone urbaine ou rurale, commune ou groupes de communes, région…) a pour point de départ la loi du 16 juillet 1976 sur les installations classées pour la protection de l’environnement. Cette loi prescrit l’étude d’impact, diagnostic des effets directs et indirects d’une installation industrielle sur le milieu naturel environnant et sur la santé des riverains habitant à proximité de l’installation. Dans les années 1980 et 1990 en France, les principes de l’évaluation des risques pour les écosystèmes se sont progressivement imposés pour des contextes très variés d’atteintes au milieu naturel (émissions d’exploitations industrielles en fonctionnement, sites et sols pollués, pratiques phytosanitaires en agriculture, valorisation de déchets…). Les fondements méthodologiques des évaluations du risque sanitaire dû à la présence de substances chimiques dans l’environnement ont été établis dans les mêmes décennies et se sont rapidement standardisées et généralisées au tournant des années 2000. A partir des années 2000, les approches sanitaires et écologiques font l’objet d’une réflexion méthodologique et d’une action politique communes, comme en témoigne le premier plan national santé-environnement en 2004. Les domaines d'application de l'évaluation en risque chronique L’évaluation des risques pour les milieux naturels et la santé humaine se décline en trois grandes approches en fonction de ses objectifs. L’approche « substance » ne porte que sur les effets sur le milieu d’une substance considérée individuellement, dans le cas d’un produit chimique destiné à la commercialisation par exemple. Elle est ainsi utilisée dans le cadre de la sécurité des produits chimiques (règlement REACH). La démarche d’évaluation vise à définir a priori la probabilité d’effets dangereux de la substance pour les milieux naturels ou pour la santé humaine, durant toutes les phases du cycle de vie de cette substance : depuis la production, la formulation et l’utilisation jusqu’au recyclage et l’élimination finale. L’approche « matrice » (au sens matrice environnementale, support dans lequel se retrouve fixée une substance chimique) s’intéresse uniquement aux effets d’une matrice contaminée par des molécules chimiques sur le milieu récepteur dans lequel elle se trouve : les effets peuvent toucher les milieux naturels (faune et flore…) comme la santé des populations. Cette démarche d’évaluation est par exemple utilisée dans le cadre des filières de recyclage de matériaux issus de la valorisation de déchets ou de sédiments pollués. Elle est également mise en œuvre dans le cadre des politiques d’information et d’étiquetage des produits de consommation pouvant avoir un impact sur la qualité de l’air intérieur : produits de décoration, parfums d’intérieur, produits ménagers… L’approche « milieu » ou « territoire » traite des effets de toutes les substances présentes dans un milieu donné ou dans une zone géographique donnée. Cette approche est par exemple développée dans le cadre de politique de surveillance et préservation des milieux (Directive Cadre sur l’Eau…), dans le cas de gestion de sites pollués, pour réglementer les activités industrielles à risque (évaluation de risque sanitaire), dans la réalisation d’études de zone à l’échelle régionale, pour identifier les inégalités environnementales sur le territoire français. La démarche d’évaluation du risque doit prendre en compte des effets (ou stress environnementaux), sur plusieurs niveaux d’organisation d’un milieu : individu, groupes de population, population entière en matière de risque sanitaire ; individus, populations communautés, écosystèmes en matière de risque écologique. L’évaluation considère les effets directs sur l’individu, les bouleversements dans la dynamique d’une population ou d’un groupe de population, les perturbations dans les interactions entre les espèces dans un écosystème. Les étapes de l’évaluation en risque chronique Aujourd’hui, malgré des objectifs, des objets d’étude, une terminologie, des critères d’appréciation et des pratiques différentes, on peut distinguer quatre grandes étapes similaires dans les démarches d’évaluation des risques écologiques et sanitaires. Les deux premières correspondent à la caractérisation des dangers, les deux suivantes à l’évaluation du risque proprement dite. La première étape procède à l’identification des dangers des substances, qui permet de déterminer, pour chaque cible, le type d’effet associé à une exposition potentielle à la substance Il s’agit d’identifier les effets qu’une substance a la capacité de produire du fait de ses propriétés intrinsèques : toxicité pour l’homme et/ou l’environnement, mode d’action, types d’effet (cancérigène, reprotoxique, bioaccumulable…), susceptibles d’être engendrés sur les organismes vivants (organes humains cibles, espèces végétales ou animales sensibles…). La recherche d’informations sur la toxicité d’une substance s’appuie sur différentes sources : fiches de données de sécurité (FDS) réglementaires, monographies techniques ou scientifiques sur des substances, données obtenues en situation d’urgence ou accidentelles… Au cours la deuxième phase, il s’agit de déterminer quantitativement et qualitativement la gravité de ces effets néfastes. Il est établi une relation entre la quantité (concentration) de substance dangereuse et les changements qu’elle induit sur le milieu ou sur l’organisme cible. Dans le domaine sanitaire, ce rapport est appelé « relation dose-réponse » et il est exprimé par des valeurs toxicologiques de référence (VTR). Pour chaque substance, il existe plusieurs VTR en fonction de l’existence ou non d’un seuil pour l’effet considéré, du type d’« effet critique » (premier effet néfaste qui survient quand on accroît la dose), de la voie d’exposition, de la durée d’exposition. Dans le domaine de l’environnement, on estime une « concentration prévisible sans effets sur le milieu » (Predictive No Effect Concentration – PNEC), généralement sur la base de résultats de bio-essais en laboratoire. Il est conseillé de réaliser ces essais sur des espèces représentatives d’au moins trois niveaux de la chaîne alimentaire d’un écosystème, dite chaîne trophique (par exemple algues, invertébrés, poissons pour les milieux aquatiques). La difficulté majeure est d’extrapoler des résultats obtenus à petite échelle en conditions contrôlées à des situations réelles. L’étude peut donc aussi avoir recours à des expérimentations à moyenne échelle (mésocosmes par exemple) ou des études réalisées sur le terrain (in situ). En fonction de la plus ou moins grande disponibilité des données, ces valeurs de référence intègrent des facteurs de sécurité. La troisième étape consiste à estimer les expositions. Cette estimation quantitative nécessite de déterminer les concentrations potentielles de substance présentes dans l’environnement des organismes exposés, de répertorier les voies par lesquels les organismes vivants sont exposés à la substance, d’étudier les phénomènes de transfert des substances à l’intérieur de cet environnement depuis la source d’émission, de prendre en compte les usages quotidiens et les pratiques culturelles des personnes exposées. Pour les écosystèmes, l’estimation de l’exposition donne lieu au calcul d’une « concentration environnementale prévisible » (Predictive Environmental Concentration – PEC). Elle est exprimée pour la santé humaine en « dose journalière d’exposition » (DJE) pour l’ingestion et en « concentration moyenne inhalée » (CI). Cette quantification peut être réalisée sur la base de données de mesure (dans l’organisme et/ou dans les milieux) et sur la base de projections (modélisation) permettant de calculer des concentrations d’exposition puis des niveaux d’exposition. L’étape finale est la phase de caractérisation du risque qui intègre l’estimation des effets et des expositions pour exprimer la probabilité d’un impact sur la santé ou les écosystèmes. Il consiste à calculer des indicateurs exprimant le rapport entre les effets d’une substance et les expositions. En matière sanitaire, ces indicateurs (« quotient de danger » pour les effets à seuil et « excès de risques individuels » pour les effets sans seuil) sont calculés pour chaque substance, chaque voie d’exposition, chaque catégorie de population exposée. Le risque est jugé préoccupant si l’indicateur dépasse une valeur prédéfini (supérieur à 1 pour le quotient de danger et à 0,0001 pour l’excès de risque individuel). Pour les écosystèmes, la méthode la plus couramment utilisée est le ratio ou quotient de risque, qui repose sur le rapport entre concentration d’effets prévisibles et concentration d’absence d’effets prévisibles. Si le calcul du rapport PEC/PNEC est inférieur à 1, le risque est jugé acceptable, s’il est supérieur, le risque est jugé inacceptable.