L’analyse technico-économique dans le cadre des dérogations IED Lorsque les niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles (NEA-MTD) ne sont pas techniquement atteignables à l’issue des 4 ans après publication des conclusions sur les MTD, ou si l’atteinte de ces niveaux d’émission entraînerait une hausse des coûts « disproportionnée » par rapport aux bénéfices environnementaux, un exploitant peut établir un dossier de demande de dérogation afin de déroger à ces niveaux de performance. Ce dossier doit notamment comporter une analyse technico-économique présentant les coûts de la mise en œuvre des MTD, ainsi que les réductions d’émissions atteignables et son instruction prévoit une consultation du public. L’évaluation des bénéfices pour l’environnement fait appel aux travaux conduits au niveau européen et national sur le développement de coûts de référence. Actuellement, on dispose de coûts de référence surtout pour tenir compte des impacts liés à la pollution de l’air, alors que la directive sur les émissions industrielles (IED) porte également sur la pollution de l’eau et des sols. Des difficultés méthodologiques expliquent le manque actuel de valeurs pour la pollution de l’eau ou des sols, qui représente une limite au traitement concret des dérogations IED. Coûts de référence En économie de l’environnement, les coûts de référence sont un outil d’aide à la décision qui permet de tenir compte, dans des décisions d’investissement, d’une évaluation des coûts socio-économiques d’un facteur ou d’un bien qui n’est pas commercialisé sur les marchés, tel que la pollution atmosphérique. Dans le contexte de mise en œuvre des MTD, les coûts de référence donnent une indication des coûts acceptables d’une réduction des émissions. Ceux-ci aident ainsi les autorités compétentes dans l’instruction des demandes de dérogation. Ils sont généralement exprimés en €/tonne de polluant. Leur construction peut se baser sur deux méthodologies : la méthodologie des coûts marginaux d’abattement qui sont calculés à partir du coût de la technologie la plus onéreuse nécessaire pour atteindre un objectif de réduction des émissions ; la méthodologie des coûts marginaux de dommages, selon laquelle le coût de référence est évalué sur la base des dommages pour l’environnement et la santé liés aux émissions de polluants. Leur signification sera différente en fonction de la méthode choisie. Les coûts marginaux des dommages peuvent être utilisés dans des analyses coûts/bénéfices. Dans ces analyses, les bénéfices sont définis comme les dommages évités grâce à la réduction des émissions(1), et les coûts sont les coûts d’investissement, de fonctionnement et de maintenance de la technique mise en place pour permettre la réduction d’émissions. Selon cette approche, l’investissement dans une technologie de dépollution est considéré comme acceptable lorsque son coût ne dépasse pas ses bénéfices. Depuis 2019, l’Ineris coordonne le calcul des coûts marginaux de dommages (coûts de dommages par tonne de polluant émis) pour des polluants atmosphériques dans le cadre de son activité pour les European Topic Centers (ETC) de l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE). Pour une quarantaine de pays et une quinzaine de polluants émis dans l’air ambiant, des coûts marginaux de dommages sur la santé et l’environnement liés aux émissions atmosphériques des installations industrielles ont été publiés dans un rapport en 2021(1) (ETC/ATNI, 2020). Ces travaux sont actuellement mis à jour(3) pour une publication par l’AEE prévue en premier semestre 2023. Outre leur application pour évaluer les politiques liées à la qualité de l’air (voir par exemple le Clean air Outlook), ces coûts sont utilisés par certains pays dans le choix de techniques de réduction des émissions, pour juger si une demande de dérogation est acceptable ou si d’autres techniques sont à privilégier. La figure montre les coûts moyens des dommages par tonne d'émission en Europe pour les oxydes d’azote, le dioxyde de soufre, les particules (de diamètre inférieur à 10 micromètres), les particules fines (de diamètre inférieur à 2,5 micromètres), les composés organiques volatils non méthaniques et l’ammoniac. Les coûts des dommages spécifiques à chaque pays sont présentés dans le rapport cité plus haut. Les dommages calculés tiennent compte des impacts des polluants atmosphériques sur la santé, les écosystèmes et le bâti. Estimations du coût moyen des dommages par tonne émise pour tous les polluants atmosphériques considérés, en k€ (€2019) Source : EIONET Report ETC/ATNI 04/2020 La figure présente 2 valeurs des coûts des dommages par tonne émise, correspondant à l'utilisation de deux approches contrastées mais complémentaires pour l'évaluation des dommages sanitaires, selon la façon dont ces derniers sont appréhendés (par exemple réduction de l’espérance de vie ou nombre de morts prématurées imputables aux polluants). Dans le cadre de ses travaux d’appui au ministère en charge de l’environnement en France, l’Ineris rédige des rapports de synthèse sur les coûts de référence développés pour la France, en les mettant en perspective avec les coûts de référence utilisés comme outil d’aide à la décision par la CE et l’AEE ainsi que par les autres pays européens. Comme dans les travaux pour l’AEE, le focus est actuellement sur les impacts liés à la pollution de l’air. La demande de dérogation IED La demande d’une dérogation aux NEA-MTD mentionnés dans les conclusions sur les MTD, est possible, en application de l’article R. 515-68 du code de l’environnement, en particulier si les coûts sont considérés comme disproportionnés par rapport aux bénéfices pour l’environnement. Elle doit résulter de contraintes liées à l’implantation géographique de l’installation concernée, aux conditions locales de l’environnement ou aux caractéristiques techniques de l’installation concernée. Autrement dit, cela revient à démontrer que, dans le cas particulier de l’exploitant qui demande une dérogation, la mise en place de la MTD est plus coûteuse que pour ses homologues, pour un bénéfice environnemental faible (la définition de MTD incluant par principe que la mise en place de la technique est techniquement possible et économiquement acceptable à l’échelle du secteur industriel). L’obtention d’une dérogation ne dispense pas l’exploitant de mettre en œuvre des techniques de prévention et/ou de réduction des émissions les plus pertinentes vis-à-vis des performances environnementales et des caractéristiques technico-économiques visant à se rapprocher des NEA-MTD. Un dossier de demande de dérogation doit notamment présenter une analyse technico-économique liée à la mise en œuvre de chacune des techniques ou combinaisons de techniques industriellement réalistes listées dans la ou les MTD décrites dans les conclusions sur les MTD et associées au NEA-MTD pour lequel la dérogation est demandée. Elle permet d’établir des ratios coût-efficacité pour chacune des solutions étudiées, c’est-à-dire le rapport entre le coût de mise en place et d’exploitation de la technique envisagée et la quantité supplémentaire de polluant(s) que cette technique permet d’éviter d’émettre. Ces ratios coûts-efficacité peuvent alors être comparés à des coûts de référence évoqués ci-avant, en fonction des données disponibles pour le polluant considéré : coûts de dommage, coûts d’abattement nécessaires pour respecter une réglementation environnementale. Un Guide de demande de dérogation ainsi qu’un outil de présentation des coûts et de calcul des ratios coût-efficacité, auxquels l’Ineris a contribué, ont été établis par le Ministère chargé de l’environnement en 2018. La proposition de la Commission Européenne pour la révision de l’IED publiée en 2022 prévoit la création d’une méthodologie commune au niveau européen pour la demande de dérogation et une durée maximale de 4 années pour toute dérogation. (1) Concernant les polluants atmosphériques, il s’agit généralement des dommages sur la santé et parfois également sur l’environnement et les matériaux du bâti. (2) Rapport ETC/ATNI 04/2020, rédigé dans le cadre de l’European Topic Center on Air Pollution, Transport, Noise and Industrial Pollution (ETC/ATNI, 2018-2021). (3) Ils sont menés dans le cadre de l’European Topic Center on Health and the Environment (ETC/HE, 2022-2026).
L’analyse technico-économique dans le cadre des dérogations IED Lorsque les niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles (NEA-MTD) ne sont pas techniquement atteignables à l’issue des 4 ans après publication des conclusions sur les MTD, ou si l’atteinte de ces niveaux d’émission entraînerait une hausse des coûts « disproportionnée » par rapport aux bénéfices environnementaux, un exploitant peut établir un dossier de demande de dérogation afin de déroger à ces niveaux de performance. Ce dossier doit notamment comporter une analyse technico-économique présentant les coûts de la mise en œuvre des MTD, ainsi que les réductions d’émissions atteignables et son instruction prévoit une consultation du public. L’évaluation des bénéfices pour l’environnement fait appel aux travaux conduits au niveau européen et national sur le développement de coûts de référence. Actuellement, on dispose de coûts de référence surtout pour tenir compte des impacts liés à la pollution de l’air, alors que la directive sur les émissions industrielles (IED) porte également sur la pollution de l’eau et des sols. Des difficultés méthodologiques expliquent le manque actuel de valeurs pour la pollution de l’eau ou des sols, qui représente une limite au traitement concret des dérogations IED. Coûts de référence En économie de l’environnement, les coûts de référence sont un outil d’aide à la décision qui permet de tenir compte, dans des décisions d’investissement, d’une évaluation des coûts socio-économiques d’un facteur ou d’un bien qui n’est pas commercialisé sur les marchés, tel que la pollution atmosphérique. Dans le contexte de mise en œuvre des MTD, les coûts de référence donnent une indication des coûts acceptables d’une réduction des émissions. Ceux-ci aident ainsi les autorités compétentes dans l’instruction des demandes de dérogation. Ils sont généralement exprimés en €/tonne de polluant. Leur construction peut se baser sur deux méthodologies : la méthodologie des coûts marginaux d’abattement qui sont calculés à partir du coût de la technologie la plus onéreuse nécessaire pour atteindre un objectif de réduction des émissions ; la méthodologie des coûts marginaux de dommages, selon laquelle le coût de référence est évalué sur la base des dommages pour l’environnement et la santé liés aux émissions de polluants. Leur signification sera différente en fonction de la méthode choisie. Les coûts marginaux des dommages peuvent être utilisés dans des analyses coûts/bénéfices. Dans ces analyses, les bénéfices sont définis comme les dommages évités grâce à la réduction des émissions(1), et les coûts sont les coûts d’investissement, de fonctionnement et de maintenance de la technique mise en place pour permettre la réduction d’émissions. Selon cette approche, l’investissement dans une technologie de dépollution est considéré comme acceptable lorsque son coût ne dépasse pas ses bénéfices. Depuis 2019, l’Ineris coordonne le calcul des coûts marginaux de dommages (coûts de dommages par tonne de polluant émis) pour des polluants atmosphériques dans le cadre de son activité pour les European Topic Centers (ETC) de l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE). Pour une quarantaine de pays et une quinzaine de polluants émis dans l’air ambiant, des coûts marginaux de dommages sur la santé et l’environnement liés aux émissions atmosphériques des installations industrielles ont été publiés dans un rapport en 2021(1) (ETC/ATNI, 2020). Ces travaux sont actuellement mis à jour(3) pour une publication par l’AEE prévue en premier semestre 2023. Outre leur application pour évaluer les politiques liées à la qualité de l’air (voir par exemple le Clean air Outlook), ces coûts sont utilisés par certains pays dans le choix de techniques de réduction des émissions, pour juger si une demande de dérogation est acceptable ou si d’autres techniques sont à privilégier. La figure montre les coûts moyens des dommages par tonne d'émission en Europe pour les oxydes d’azote, le dioxyde de soufre, les particules (de diamètre inférieur à 10 micromètres), les particules fines (de diamètre inférieur à 2,5 micromètres), les composés organiques volatils non méthaniques et l’ammoniac. Les coûts des dommages spécifiques à chaque pays sont présentés dans le rapport cité plus haut. Les dommages calculés tiennent compte des impacts des polluants atmosphériques sur la santé, les écosystèmes et le bâti. Estimations du coût moyen des dommages par tonne émise pour tous les polluants atmosphériques considérés, en k€ (€2019) Source : EIONET Report ETC/ATNI 04/2020 La figure présente 2 valeurs des coûts des dommages par tonne émise, correspondant à l'utilisation de deux approches contrastées mais complémentaires pour l'évaluation des dommages sanitaires, selon la façon dont ces derniers sont appréhendés (par exemple réduction de l’espérance de vie ou nombre de morts prématurées imputables aux polluants). Dans le cadre de ses travaux d’appui au ministère en charge de l’environnement en France, l’Ineris rédige des rapports de synthèse sur les coûts de référence développés pour la France, en les mettant en perspective avec les coûts de référence utilisés comme outil d’aide à la décision par la CE et l’AEE ainsi que par les autres pays européens. Comme dans les travaux pour l’AEE, le focus est actuellement sur les impacts liés à la pollution de l’air. La demande de dérogation IED La demande d’une dérogation aux NEA-MTD mentionnés dans les conclusions sur les MTD, est possible, en application de l’article R. 515-68 du code de l’environnement, en particulier si les coûts sont considérés comme disproportionnés par rapport aux bénéfices pour l’environnement. Elle doit résulter de contraintes liées à l’implantation géographique de l’installation concernée, aux conditions locales de l’environnement ou aux caractéristiques techniques de l’installation concernée. Autrement dit, cela revient à démontrer que, dans le cas particulier de l’exploitant qui demande une dérogation, la mise en place de la MTD est plus coûteuse que pour ses homologues, pour un bénéfice environnemental faible (la définition de MTD incluant par principe que la mise en place de la technique est techniquement possible et économiquement acceptable à l’échelle du secteur industriel). L’obtention d’une dérogation ne dispense pas l’exploitant de mettre en œuvre des techniques de prévention et/ou de réduction des émissions les plus pertinentes vis-à-vis des performances environnementales et des caractéristiques technico-économiques visant à se rapprocher des NEA-MTD. Un dossier de demande de dérogation doit notamment présenter une analyse technico-économique liée à la mise en œuvre de chacune des techniques ou combinaisons de techniques industriellement réalistes listées dans la ou les MTD décrites dans les conclusions sur les MTD et associées au NEA-MTD pour lequel la dérogation est demandée. Elle permet d’établir des ratios coût-efficacité pour chacune des solutions étudiées, c’est-à-dire le rapport entre le coût de mise en place et d’exploitation de la technique envisagée et la quantité supplémentaire de polluant(s) que cette technique permet d’éviter d’émettre. Ces ratios coûts-efficacité peuvent alors être comparés à des coûts de référence évoqués ci-avant, en fonction des données disponibles pour le polluant considéré : coûts de dommage, coûts d’abattement nécessaires pour respecter une réglementation environnementale. Un Guide de demande de dérogation ainsi qu’un outil de présentation des coûts et de calcul des ratios coût-efficacité, auxquels l’Ineris a contribué, ont été établis par le Ministère chargé de l’environnement en 2018. La proposition de la Commission Européenne pour la révision de l’IED publiée en 2022 prévoit la création d’une méthodologie commune au niveau européen pour la demande de dérogation et une durée maximale de 4 années pour toute dérogation. (1) Concernant les polluants atmosphériques, il s’agit généralement des dommages sur la santé et parfois également sur l’environnement et les matériaux du bâti. (2) Rapport ETC/ATNI 04/2020, rédigé dans le cadre de l’European Topic Center on Air Pollution, Transport, Noise and Industrial Pollution (ETC/ATNI, 2018-2021). (3) Ils sont menés dans le cadre de l’European Topic Center on Health and the Environment (ETC/HE, 2022-2026).