La modélisation/prévision de la qualité de l'air

Les évolutions législatives instaurées en France en matière de surveillance de la qualité de l’air ont progressivement renforcé le rôle de la modélisation dans ce domaine au cours des dernières décennies. La modélisation assure désormais diverses missions relatives à la prévision de la qualité de l’air, au suivi des épisodes de pollution, et à l’information du public, comme défini à l’origine dans la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE).
Image1.png

Depuis ce premier texte législatif, les principaux textes réglementaires afférents sont décrits dans l’arrêté du 7 avril 2016 modifié, dit arrêté «mesures d’urgence», qui introduit la prévision de la qualité de l’air (et donc la modélisation), comme outil à part entière du dispositif national de surveillance. Cela a notamment pour conséquence de permettre de déclencher par anticipation des mesures de réduction des émissions polluantes en cas d’épisode de pollution. Par ailleurs, l’arrêté du 16 avril 2021 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l’air ambiant, transpose les directives européennes (dont la directive 2008/50/CE) et conforte encore un peu plus le rôle des acteurs et des outils (dont la modélisation et la prévision) dans la surveillance de la qualité de l’air.

Qu’est-ce que la modélisation ?

La modélisation est l’utilisation d’un ensemble d’outils numériques désignés par le terme « modèle de simulation », dont le but est de représenter et de simplifier un système physico-chimique complexe sur une étendue spatiale prédéfinie, appelée « domaine de simulation ». Ces outils numériques reposent en grande partie sur la résolution d’équations mathématiques décrivant des processus physico-chimiques et permettant d’obtenir, par le calcul, des résultats plus ou moins proches des processus réels.
Pour numériser le problème, il est nécessaire de discrétiser le domaine, c’est-à-dire de le diviser en mailles de taille prédéfinie au sein desquelles les données sont homogènes. Par exemple, dans un domaine à 25 km de résolution, chaque maille couvre une portion du territoire de 25x25 km où les résultats seront identiques qu’importe la localisation exacte que l’on regardera dans ces 25 km².  Les équations sont résolues successivement dans chaque maille, en fonction des données contenues dans les mailles voisines. Ainsi, plus un domaine de simulation est raffiné (c’est-à-dire qu’il comporte davantage de mailles pour couvrir un même territoire), plus les résultats seront précis, mais plus les ressources de calcul nécessaires à la simulation seront importantes en contrepartie.

figures
Figure 1 : Comparaison entre deux domaines englobant la France (cartes des concentrations d’ozone). Gauche : domaine de taille 161x281, résolution des mailles de 0.25° (~25 km). Droite : domaine de taille 805x1405, résolution des mailles de 0.05° (~5 km). La simulation de gauche a nécessité deux minutes de calcul pour chaque heure modélisée, tandis que celle de droite a eu besoin d’un peu plus d’une heure.

 

Dans le cas de la qualité de l’air, les modèles développés cherchent à simuler les processus chimiques et physiques de l’atmosphère impliqués dans l’évolution des concentrations des polluants dans l’air, pour des domaines globaux (l’ensemble du globe), régionaux (un continent, un pays, une région), ou locaux (une ville, une zone géographique restreinte). Ces processus sont notamment influencés par les conditions météorologiques (pluie, vent, ensoleillement, etc.), par la quantité de polluants émis naturellement (photosynthèse, poussières désertiques, etc.), ou émis par les activités humaines (trafic routier, chauffage, rejets industriels ou agricoles, etc.), et par les conditions aux limites (par exemple, pollution émise hors du domaine mais transportée à l’intérieur du domaine par le vent). Ces données étant elles-mêmes complexes à obtenir, elles sont généralement modélisées via d’autres modèles spécifiques, avant d’alimenter les modèles de qualité de l’air en tant que donnée d’entrée.

Qu’est-ce que la prévision de la qualité de l’air ?

La prévision de la qualité de l’air est le processus visant à prévoir, avec une incertitude maîtrisée, la distribution spatiale des concentrations de divers polluants atmosphériques sur une échéance de quelques jours dans le futur. Ses résultats sont suivis avec attention pour les polluants réglementés, notamment pour l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2), et les particules fines (PM10, PM2.5), afin d’anticiper l’arrivée de situations critiques lors desquelles les concentrations risqueraient de dépasser les valeurs recommandées pour la santé, ce qui pourrait impacter les populations locales.
Ces prévisions s’appuient sur des modèles de qualité de l’air dont les résultats peuvent être améliorés avec des traitements complémentaires (correction statistique, intelligence artificielle), qui font notamment intervenir les données d’observation mesurées in-situ au cours des jours précédents afin de corriger les éventuels biais entre modèles et réalité.

La prévision de la qualité de l’air en France et en Europe

prevairDepuis 2003, le système national PREV’AIR développé et géré par l’Ineris fournit quotidiennement des prévisions de la qualité de l’air en France (métropole et DROM) pour les principaux polluants réglementés : ozone (O3), dioxyde d’azote (NO2), et particules fines (PM10 et PM2.5). Cette plateforme est le fruit du travail d’un consortium qui rassemble l’Ineris, Météo-France, le CNRS et le LCSQA.
En 2017, afin de renforcer sa fiabilité et d’augmenter sa résolution spatiale, l’ensemble de la chaîne de prévision PREV’AIR a été transférée sur le supercalculateur de Météo-France. Grâce à ces ressources, les cartes de pollution peuvent maintenant être produites à 4 km de résolution pour la France (contre 10 km auparavant) et sur une échéance de cinq jours de prévision (contre trois jusqu’alors). Ces prévisions sont accessibles sur www.prevair.org, tandis que les données brutes sont mises à disposition sur data.gouv.fr.

atmoAu niveau régional, les prévisions de qualité de l’air en France sont assurées par les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). Au sein de leurs territoires respectifs, elles mesurent, surveillent, prévoient et informent sur la qualité de l’air. Le niveau national étant assuré par le consortium PREV’AIR, les ressources des AASQA peuvent être dédiées à la simulation à plus fine résolution, rendant possible les modélisations allant jusqu’à l’échelle des villes et des rues.

Au niveau européen, après une phase de recherche d’une dizaine d’années, le service de surveillance de l’atmosphère Copernicus s’impose depuis 2015 comme une référence internationale de la prévision de qualité de l’air opérationnelle qui n’a pas d’équivalent en dehors de l’Europe. Ce service s’appuie sur une dizaine de modèles de qualité de l’air européens, parmi lesquels les modèles utilisés dans PREV’AIR. Météo-France et l’Ineris assurent la coordination de la production de la majeure partie des services de prévision opérationnelle dédiés à la qualité de l’air européenne. L’Ineris est par ailleurs coordinateur du service de soutien aux décideurs publics (CAMS Policy Service).

Le modèle de simulation de chimie de l’atmosphère CHIMERE

CHIMERE est un modèle de chimie-transport développé et mis en œuvre par l’unité de modélisation atmosphérique et cartographie environnementale (MOCA) de l’Ineris en collaboration avec le CNRS depuis une vingtaine d’années.

C’est un modèle déterministe : à l’inverse des modèles statistiques, il n’est pas calibré sur des observations, mais repose sur les équations de physique et de chimie de l’atmosphère qui régissent le transport, la formation et le dépôt des polluants. Il est également dit « régional », c’est-à-dire développé dans le but de simuler la qualité de l’air sur des domaines s’étendant de quelques dizaines (agglomération) à quelques milliers de kilomètres (continent).
Les modélisations CHIMERE peuvent servir à évaluer l’efficacité des politiques de gestion de la qualité de l’air, que ce soit en rétrospectif (pour des analyses de tendances), ou en projection (pour évaluer l’amélioration de qualité de l’air qui est attendue à la suite des baisses d’émissions programmées dans le cadre de politiques environnementales).
A titre d’exemple, CHIMERE est ou a pu être utilisé dans le cadre de :
-    la plateforme nationale de prévision de la qualité de l’air PREV’AIR ;
-    la négociation européenne sur les plafonds nationaux d’émission, ayant donné lieu à une révision de la directive NEC en décembre 2016 ;
-    la définition des objectifs et actions du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) ;
-    une preuve de concept sur l’ensemble de l’hémisphère nord, qui a abouti à la production de cartographies de pollution de l’air haute résolution sur tout l’hémisphère Nord : particules fines, ozones, dioxyde d’azote, panaches de poussières désertiques… Une partie des résultats est visible dans la vidéo ci-dessus.

Historique de la qualité de l'air

Pages et actualités