La modélisation/prévision de la qualité de l'air Les récentes évolutions législatives instaurées en France en matière de surveillance de la qualité de l’air ont renforcé le rôle de la modélisation pour assurer plusieurs missions relatives au suivi des épisodes de pollution et l’information du public définies à l’origine dans la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE). Ces avancées sont décrites dans l’arrêté du 7 avril 2016 modifié, dit arrêté «mesures d’urgence», qui introduit la prévision de la qualité de l’air comme outil à part entière du dispositif national de surveillance. Cela a pour conséquence, par exemple, de permettre désormais de déclencher par anticipation des mesures de réduction des émissions polluantes en cas d’épisode de pollution. Par ailleurs, l’arrêté du 16 avril 21 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l’air ambiant, transpose les directives européennes (dont la directive 2008/50/EC) sur la qualité de l’air et introduit le rôle des acteurs et des outils (dont la prévision) dans le dispositif national de surveillance de la qualité de l’air. Les modèles de qualité de l’air ont connu une phase de recherche et développement importante depuis la fin des années 1990 avant de s’imposer comme un outil à visée opérationnelle pour la surveillance de la qualité de l’air. A l’instar de PREV’AIR pour la prévision nationale, plusieurs plateformes régionales de prévision de la qualité de l’air ont ainsi été créées. En parallèle, des modèles urbains de la qualité de l’air s’appliquant à une échelle plus locale ont été développés puis intégrés dans ces plateformes de prévisions régionales opérées par les AASQA. La modélisation urbaine à haute résolution constitue aujourd’hui une activité opérationnelle en forte croissance. Enfin, la modélisation régionale ou locale peut également être utilisée pour traduire l’impact de différents scénarios d’émission. A ce titre, elle joue un rôle majeur comme outil clé utilisé en appui à l’évaluation des plans et programmes. Au niveau Européen, après une phase de recherche d’une dizaine d’années, le service de surveillance de l’atmosphère Copernicus s’impose depuis 2015 comme une référence internationale de la prévision de qualité de l’air opérationnelle qui n’a pas d’équivalent en dehors de l’Europe. Ce service s’appuie sur une dizaine de modèles de qualité de l’air Européens, parmi lesquels les modèles utilisés dans PREV’AIR. Météo France et l’Ineris assurent la coordination de la production de la majeure partie des services de prévision opérationnelle dédiés à la qualité de l’air européenne. L’Ineris est par ailleurs coordinateur du service en soutien au décideurs publics (CAMS Policy Service), ainsi que du programme de développement de méthodes innovantes d’apprentissage automatique (machine learning) pour améliorer les prévisions de qualité de l’air. Qu’est-ce que la modélisation ? La modélisation de la qualité de l’air repose sur des outils numériques qui simulent les processus chimiques et physiques responsables de l’évolution des concentrations des polluants dans l’air. Ces modèles doivent être alimentés en entrée par plusieurs sources de données dont les émissions de polluants issues de plusieurs secteurs d’activité (trafic routier, activités industrielles et agricoles, chauffage résidentiel, transport maritime …), les conditions météorologiques qui influent sur la dispersion des polluants et aussi sur l’intensité des processus chimiques et les conditions aux limites qui apportent une information sur les contributions de pollution d’origine lointaine. Qu’est-ce que la prévision de la qualité de l’air ? La prévision de la qualité de l’air est un processus visant à prédire, avec une incertitude maîtrisée, les concentrations de polluants atmosphériques sur une échéance de un ou plusieurs jours. On l’applique généralement aux polluants réglementés pour anticiper l’arrivée des situations critiques lors desquelles les concentrations risquent de dépasser les valeurs réglementaires. Les prévisions s’appuient sur des modèles de qualités de l’air dont les sorties peuvent être optimisées avec des traitements complémentaires (correction statistique) qui font notamment intervenir les observations des journées précédentes afin d’améliorer les capacités des modèles pour la détection des épisodes de pollution. L’Ineris développe le modèle de chimie-transport CHIMERE en partenariat avec le CNRS CHIMERE est un modèle de chimie-transport développé et mis en œuvre par l’unité de modélisation atmosphérique et cartographie environnementale de l’Ineris en collaboration avec le CNRS. C’est un modèle déterministe. A l’inverse des modèles statistiques, il n’est pas calibré sur des observations mais repose sur les équations de physique et de chimie de l’atmosphère qui régissent le transport et la transformation des polluants. Les données d’entrée qu’il requiert sont les flux d’émissions induits principalement par les activités humaines, et aussi les champs météorologiques qui influent sur l’accumulation des polluants. Il s’agit d’un modèle dit « régional » développé pour simuler la qualité de l’air sur des domaines s’étendant de quelques dizaines (agglomération) à quelques milliers de kilomètres (continent). Mais le modèle a aussi été déployé dans le cadre d’une preuve de concept sur l’ensemble de l’hémisphère nord. Pour cela, un travail important a été réalisé pour modifier les projections géographiques, prendre en compte la spécificité de l’utilisation des sols et du cycle de la végétation à l’échelle mondiale et adapter des inventaires d’émissions à l’échelle du globe. Une avancée rendue possible grâce aux ressources de calcul du Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) et qui a abouti à la production de cartographies de pollution de l’air haute résolution sur tout l’hémisphère Nord : particules fines, ozones, dioxyde d’azote, panaches de poussières désertiques… À titre d’illustration, des cartographies hémisphériques sont présentées pour divers polluants. Pour les particules fines (PM2.5), le champ de concentration de mi-mars 2014 correspond à un des pires épisodes de pollution particulaire en Europe de ces dernières années, mais on constate que, même pour cette journée, les niveaux de pollution sont largement plus importants sur l’Asie. Le caractère transfrontalier de cette pollution apparaît bien sur ces cartes, mais les panaches intercontinentaux sont encore plus visibles sur la cartographie de l’ozone. De la même manière, des panaches massifs de poussières désertiques ont été simulés, tels que ceux qui affectent régulièrement les Antilles. Ces simulations ont également servi de support à une vidéo de présentation générale de la modélisation de la qualité de l’air mise à disposition sur la chaîne Youtube de l’Ineris. Les modélisations CHIMERE peuvent servir à évaluer l’efficacité des politiques de gestion de la qualité de l’air, que ce soit en rétrospectif (pour des analyses de tendances), ou en projection (pour évaluer l’amélioration de qualité de l’air qui est attendue en termes de baisses d’émissions programmées). Il a ainsi notamment été utilisé pour la négociation européenne sur les plafonds nationaux d’émission, ayant donné lieu à une révision de la directive NEC en décembre 2016. Ce modèle a également permis de réaliser les simulations permettant de fixer la définition des objectifs et actions du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA). Pour les recherches sur le long terme (horizon 2050 et au-delà), l’Ineris a couplé CHIMERE à un modèle de climat adapté à l’échelle de l’Europe pour intégrer les effets du changement climatique dans l’évaluation des politiques de gestion de la qualité de l’air. Enfin, la connaissance des émissions polluantes constituant une donnée de base de la modélisation, le ministère chargé de l’environnement a souhaité déléguer à l’Ineris la gestion et l’exploitation du nouvel inventaire spatialisé des émissions (INS). Il recense l’ensemble des émissions atmosphériques en France à l’échelle kilométrique pour plus d’une cinquantaine de polluants. Mais la partie la plus visible de la modélisation de la qualité de l’air concerne la plateforme nationale de prévision de la qualité de l’air PREV’AIR coordonnée par l’Institut en collaboration avec Météo-France, le CNRS et le LCSQA. PREV’AIR met à disposition des prévisions à courte échéance (de l’ordre de quelques jours). L’Ineris dans PREV’AIR, le système national de prévision de la qualité de l’air Pollution atmosphérique, explosion, expositions environnementales…etc. La modélisation numérique permet de mieux comprendre, évaluer et prévenir des phénomènes très variés dans le domaine des risques accidentels, chroniques ou liés au sol et sous-sol. Au sein de l’Ineris, elle représente une activité importante en termes d’enjeux, de perspectives et de compétences. Plusieurs équipes dans les directions opérationnelles de l’Institut développent et mettent en œuvre des outils numériques en partenariat avec des laboratoires de recherche académiques et leurs travaux de recherche sont à l’origine de nombreuses publications dans des revues scientifiques renommées. La modélisation vient ainsi compléter l’activité expérimentale de l’Institut, pilier essentiel de l’évaluation et de la maîtrise des risques. Depuis 2003, le système national PREV’AIR développé et géré par l’Ineris fournit quotidiennement sur son site internet www.prevair.org des prévisions de la qualité de l’air pour les principaux polluants réglementés : ozone, dioxyde d’azote et particules PM10 et PM2.5. Cette plateforme est le fruit du travail du consortium qui rassemble, aux côtés de l’Ineris et de Météo-France, le CNRS et le LCSQA. Les prévisions et cartographies de qualité de l’air à différentes échelles spatiales sont issues de modèles complexes de physico-chimie de l’atmosphère, couplés à des algorithmes de fusion de données qui intègrent dans les modèles les données d’observation mises à disposition quotidiennement à travers l’Europe par les réseaux de mesure. En 2017, afin de renforcer sa fiabilité et d’augmenter sa résolution, l’ensemble de la chaîne a été transférée sur le supercalculateur de Météo France. Résultat, les cartes de pollution sont désormais produites en France à 4 km de résolution contre 10 km auparavant. Des cartes européennes à 10 km de résolution sont par ailleurs produites dans le cadre du service Copernicus de surveillance de l’atmosphère de la Commission européenne. Ces informations plus précises et plus fiables permettent de mieux anticiper les épisodes de pollution qui se développent en France tout au long de l’année. Compte tenu de la préoccupation du public sur les questions de la qualité de l’air et de l’émergence des startups désireuses d’élargir leurs prestations, le consortium PREV’AIR a décidé de mettre à disposition ses prévisions sur le site data.gouv.fr. Le service européen COPERNICUS de surveillance de l'atmosphère Une approche intégrée de surveillance de la qualité de l’air en Europe. Consulter la page 20 ans d’évolution de la qualité de l’air cartographiés par l’Ineris L’Ineris publie en ligne une cartothèque permettant de retracer l’évolution de la qualité de l’air en France, de 2000 à 2019. Ces cartes, représentatives de la pollution générale de l’air ambiant (pollution « de fond »), sont issues des simulations numériques, intégrant des données de mesure collectées sur le terrain. Une telle cartographie fournit des éléments pour mieux connaître l’exposition des populations et des écosystèmes et peut contribuer au suivi de l’efficacité des politiques de gestion de la qualité de l’air. Consulter la page Tendances de la qualité de l’air en Europe entre 1990 et 2015 : quels impacts sanitaires ? La qualité de l’air a beaucoup évolué depuis les années 1990, notamment sous l’effet de mesures de gestion visant à réduire les émissions de polluants en Europe. Ces politiques ont aussi été accompagnées du développement d’outils de surveillance permettant d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre. Ces outils incluent bien sûr les réseaux de stations réglementaires mais aussi les modèles numériques. Après plusieurs décennies consacrées à l’implémentation de mesures de baisses d’émissions de polluants, et au développement d’outils de suivi, il est légitime de mettre aujourd’hui l’ensemble en perspective pour comprendre quelle a été l’efficacité des politiques d’amélioration de la qualité de l’air. La mise en œuvre de la modélisation pour des études d’impacts a été possible grâce aux travaux préalables de l’Ineris dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la pollution atmosphérique transfrontière. C’est plus particulièrement la Task Force sur la mesure et la modélisation (TFMM) qui a lancé en 2015 un vaste programme d’étude des tendances de qualité de l’air en Europe et initié un exercice d’intercomparaison de modèles (Eurodelta-Trends) visant à reproduire par la modélisation l’évolution de la qualité de l’air en Europe entre 1990 et 2010. Ces résultats de modélisation ont été validés par comparaison aux études de tendance constatées par la mesure, ce qui a permis leur exploitation pour des études d’impact. Une première étude était consacrée à l’exploitation des résultats de modélisation pour comprendre l’effet relatif sur la qualité de l’air des réductions d’émissions, de la variabilité météorologique, et de la pollution hémisphérique. Les résultats de l’exercice Eurodelta-Trends ont aussi permis de discuter l’évolution à long terme de l’effet de l’ozone sur les rendements agricoles. Une deuxième étude concerne les effets sanitaires et leurs tendances. Elle a étudié l’évolution de la mortalité attribuable à l’exposition aux particules fines. L’étude consiste à regrouper diverses évaluations de l’exposition aux PM2.5 en Europe entre 1990 et 2015 et à les traduire en impacts sanitaires à l’aide d’une approche unique appliquée pour les différentes sources d’exposition. MÉTHODOLOGIE Des cartographies de concentration de surface de PM2.5 ont été collectées à partir des sources suivantes : Agence européenne de l’environnement/Topic Centre on Air Pollution Transport Noise and Industry; Copernicus Atmosphere Monitoring Service; Eurodelta-Trends ; Global Burden of Disease Ces différentes sources d’information sur les concentrations de PM2.5 ont été traduites en termes d’exposition avec une pondération par la population, puis agrégation par pays. La répartition spatiale de la population a été supposée constante (année 2011) mais pour chaque pays la population totale et la répartition par classe d’âge sont variables sur la période. L’outil d’évaluation d’impact sanitaire Alpha-Risk-Poll a ensuite été utilisé pour évaluer la mortalité due à l’exposition à long terme aux PM2.5 parmi la population âgée d’au moins 30 ans, exprimée en décès prématurés par an. La relation concentration- risque utilisée est celle de l’Agence européenne de l’environnement, soit 1,062 par augmentation d’exposition de 10 μg/m3 de PM2.5, et il faut noter que celle-ci est supposée constante sur toute la période. RÉSULTATS Une nette tendance à la baisse a été identifiée avec une baisse de la mortalité attribuable aux particules fines de l’ordre de 60 % en Europe sur la période 1990-2015. En 1990, en prenant la médiane de l’ensemble des sources d’exposition disponibles, la mortalité prématurée était de l’ordre de 960 000 décès par an. En 2015, elle est de 445 000 décès par an, ce qui reste très élevé malgré l’amélioration notable. Par ailleurs, on peut souligner que la plus grande part de l’amélioration a été constatée entre 1990 et 2005 et que depuis cette date, les tendances sont beaucoup moins prononcées. La tendance en France est assez cohérente par rapport à l’évolution européenne, avec une mortalité évaluée à 89 000 décès anticipés en 1990, 48 000 en 2010 et 36 000 en 2015. À noter la cohérence des chiffres de mortalité calculée avec notre méthodologie pour 2010 et les estimations de Santé publique France qui correspondent aux années 2007-2008. Les incertitudes demeurent élevées, notamment pour la période avant 2000 où les estimations d’exposition peuvent varier d’un facteur deux. Et ces incertitudes ont aussi un effet sur l’évaluation des tendances. Entre 1990 et 2010, avec les cartographies Eurodelta-Trends on trouve une réduction de la mortalité de 52 % alors que la baisse n’est que de 30 % avec les chiffres du Global Burden of Disease. Le Confinement de 2020 : quel impact sur l’amélioration de la qualité de l’air ? Le confinement, décrété le 17 mars 2020, en réponse à la Covid-19, a eu un effet notable sur la qualité de l’air. Les restrictions imposées ont réduit l’activité économique et ont conduit à une forte diminution de polluants, issus notamment du trafic routier. Pendant la période du premier confinement, les concentrations de dioxyde d’azote ont été réduites en moyenne de 49 %, de 12 % pour les particules fines PM2.5 et de 10 % pour les PM10 dans les grandes villes françaises. Cette conclusion est le point d’orgue d’une analyse menée par l’Ineris par simulation numérique couplée à l’analyse de données en temps réel. Estimer et quantifier l’impact du confinement est une problématique complexe. En effet, la qualité de l’air dépend non seulement des émissions de polluants qui s’accumulent dans l’atmosphère mais aussi des réactions chimiques entre ces composés et des conditions météorologiques qui favorisent plus ou moins leur dispersion. L’expertise de l’Ineris en matière de modélisation de la qualité de l’air a permis d’apporter une réponse. L’Institut a ainsi été amené à coordonner une étude Européenne en 2020 impliquant plusieurs des grandes équipes de modélisation de la qualité de l’air pour évaluer l’impact du confinement du printemps 2020 sur la qualité de l’air. Ces résultats ont notamment été repris par l’Agence Européenne de l’Environnement pour son rapport 2020 : https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2020-report Ces travaux ont alimenté une étude conduite par Santé Publique France impliquant également le Citepa. Les résultats ont conduit à souligner que les baisses de pollution pendant le confinement au printemps 2020 ont été associées à des bénéfices non négligeables pour la santé.
La modélisation/prévision de la qualité de l'air Les récentes évolutions législatives instaurées en France en matière de surveillance de la qualité de l’air ont renforcé le rôle de la modélisation pour assurer plusieurs missions relatives au suivi des épisodes de pollution et l’information du public définies à l’origine dans la Loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie (LAURE). Ces avancées sont décrites dans l’arrêté du 7 avril 2016 modifié, dit arrêté «mesures d’urgence», qui introduit la prévision de la qualité de l’air comme outil à part entière du dispositif national de surveillance. Cela a pour conséquence, par exemple, de permettre désormais de déclencher par anticipation des mesures de réduction des émissions polluantes en cas d’épisode de pollution. Par ailleurs, l’arrêté du 16 avril 21 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l’air ambiant, transpose les directives européennes (dont la directive 2008/50/EC) sur la qualité de l’air et introduit le rôle des acteurs et des outils (dont la prévision) dans le dispositif national de surveillance de la qualité de l’air. Les modèles de qualité de l’air ont connu une phase de recherche et développement importante depuis la fin des années 1990 avant de s’imposer comme un outil à visée opérationnelle pour la surveillance de la qualité de l’air. A l’instar de PREV’AIR pour la prévision nationale, plusieurs plateformes régionales de prévision de la qualité de l’air ont ainsi été créées. En parallèle, des modèles urbains de la qualité de l’air s’appliquant à une échelle plus locale ont été développés puis intégrés dans ces plateformes de prévisions régionales opérées par les AASQA. La modélisation urbaine à haute résolution constitue aujourd’hui une activité opérationnelle en forte croissance. Enfin, la modélisation régionale ou locale peut également être utilisée pour traduire l’impact de différents scénarios d’émission. A ce titre, elle joue un rôle majeur comme outil clé utilisé en appui à l’évaluation des plans et programmes. Au niveau Européen, après une phase de recherche d’une dizaine d’années, le service de surveillance de l’atmosphère Copernicus s’impose depuis 2015 comme une référence internationale de la prévision de qualité de l’air opérationnelle qui n’a pas d’équivalent en dehors de l’Europe. Ce service s’appuie sur une dizaine de modèles de qualité de l’air Européens, parmi lesquels les modèles utilisés dans PREV’AIR. Météo France et l’Ineris assurent la coordination de la production de la majeure partie des services de prévision opérationnelle dédiés à la qualité de l’air européenne. L’Ineris est par ailleurs coordinateur du service en soutien au décideurs publics (CAMS Policy Service), ainsi que du programme de développement de méthodes innovantes d’apprentissage automatique (machine learning) pour améliorer les prévisions de qualité de l’air. Qu’est-ce que la modélisation ? La modélisation de la qualité de l’air repose sur des outils numériques qui simulent les processus chimiques et physiques responsables de l’évolution des concentrations des polluants dans l’air. Ces modèles doivent être alimentés en entrée par plusieurs sources de données dont les émissions de polluants issues de plusieurs secteurs d’activité (trafic routier, activités industrielles et agricoles, chauffage résidentiel, transport maritime …), les conditions météorologiques qui influent sur la dispersion des polluants et aussi sur l’intensité des processus chimiques et les conditions aux limites qui apportent une information sur les contributions de pollution d’origine lointaine. Qu’est-ce que la prévision de la qualité de l’air ? La prévision de la qualité de l’air est un processus visant à prédire, avec une incertitude maîtrisée, les concentrations de polluants atmosphériques sur une échéance de un ou plusieurs jours. On l’applique généralement aux polluants réglementés pour anticiper l’arrivée des situations critiques lors desquelles les concentrations risquent de dépasser les valeurs réglementaires. Les prévisions s’appuient sur des modèles de qualités de l’air dont les sorties peuvent être optimisées avec des traitements complémentaires (correction statistique) qui font notamment intervenir les observations des journées précédentes afin d’améliorer les capacités des modèles pour la détection des épisodes de pollution. L’Ineris développe le modèle de chimie-transport CHIMERE en partenariat avec le CNRS CHIMERE est un modèle de chimie-transport développé et mis en œuvre par l’unité de modélisation atmosphérique et cartographie environnementale de l’Ineris en collaboration avec le CNRS. C’est un modèle déterministe. A l’inverse des modèles statistiques, il n’est pas calibré sur des observations mais repose sur les équations de physique et de chimie de l’atmosphère qui régissent le transport et la transformation des polluants. Les données d’entrée qu’il requiert sont les flux d’émissions induits principalement par les activités humaines, et aussi les champs météorologiques qui influent sur l’accumulation des polluants. Il s’agit d’un modèle dit « régional » développé pour simuler la qualité de l’air sur des domaines s’étendant de quelques dizaines (agglomération) à quelques milliers de kilomètres (continent). Mais le modèle a aussi été déployé dans le cadre d’une preuve de concept sur l’ensemble de l’hémisphère nord. Pour cela, un travail important a été réalisé pour modifier les projections géographiques, prendre en compte la spécificité de l’utilisation des sols et du cycle de la végétation à l’échelle mondiale et adapter des inventaires d’émissions à l’échelle du globe. Une avancée rendue possible grâce aux ressources de calcul du Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) et qui a abouti à la production de cartographies de pollution de l’air haute résolution sur tout l’hémisphère Nord : particules fines, ozones, dioxyde d’azote, panaches de poussières désertiques… À titre d’illustration, des cartographies hémisphériques sont présentées pour divers polluants. Pour les particules fines (PM2.5), le champ de concentration de mi-mars 2014 correspond à un des pires épisodes de pollution particulaire en Europe de ces dernières années, mais on constate que, même pour cette journée, les niveaux de pollution sont largement plus importants sur l’Asie. Le caractère transfrontalier de cette pollution apparaît bien sur ces cartes, mais les panaches intercontinentaux sont encore plus visibles sur la cartographie de l’ozone. De la même manière, des panaches massifs de poussières désertiques ont été simulés, tels que ceux qui affectent régulièrement les Antilles. Ces simulations ont également servi de support à une vidéo de présentation générale de la modélisation de la qualité de l’air mise à disposition sur la chaîne Youtube de l’Ineris. Les modélisations CHIMERE peuvent servir à évaluer l’efficacité des politiques de gestion de la qualité de l’air, que ce soit en rétrospectif (pour des analyses de tendances), ou en projection (pour évaluer l’amélioration de qualité de l’air qui est attendue en termes de baisses d’émissions programmées). Il a ainsi notamment été utilisé pour la négociation européenne sur les plafonds nationaux d’émission, ayant donné lieu à une révision de la directive NEC en décembre 2016. Ce modèle a également permis de réaliser les simulations permettant de fixer la définition des objectifs et actions du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA). Pour les recherches sur le long terme (horizon 2050 et au-delà), l’Ineris a couplé CHIMERE à un modèle de climat adapté à l’échelle de l’Europe pour intégrer les effets du changement climatique dans l’évaluation des politiques de gestion de la qualité de l’air. Enfin, la connaissance des émissions polluantes constituant une donnée de base de la modélisation, le ministère chargé de l’environnement a souhaité déléguer à l’Ineris la gestion et l’exploitation du nouvel inventaire spatialisé des émissions (INS). Il recense l’ensemble des émissions atmosphériques en France à l’échelle kilométrique pour plus d’une cinquantaine de polluants. Mais la partie la plus visible de la modélisation de la qualité de l’air concerne la plateforme nationale de prévision de la qualité de l’air PREV’AIR coordonnée par l’Institut en collaboration avec Météo-France, le CNRS et le LCSQA. PREV’AIR met à disposition des prévisions à courte échéance (de l’ordre de quelques jours). L’Ineris dans PREV’AIR, le système national de prévision de la qualité de l’air Pollution atmosphérique, explosion, expositions environnementales…etc. La modélisation numérique permet de mieux comprendre, évaluer et prévenir des phénomènes très variés dans le domaine des risques accidentels, chroniques ou liés au sol et sous-sol. Au sein de l’Ineris, elle représente une activité importante en termes d’enjeux, de perspectives et de compétences. Plusieurs équipes dans les directions opérationnelles de l’Institut développent et mettent en œuvre des outils numériques en partenariat avec des laboratoires de recherche académiques et leurs travaux de recherche sont à l’origine de nombreuses publications dans des revues scientifiques renommées. La modélisation vient ainsi compléter l’activité expérimentale de l’Institut, pilier essentiel de l’évaluation et de la maîtrise des risques. Depuis 2003, le système national PREV’AIR développé et géré par l’Ineris fournit quotidiennement sur son site internet www.prevair.org des prévisions de la qualité de l’air pour les principaux polluants réglementés : ozone, dioxyde d’azote et particules PM10 et PM2.5. Cette plateforme est le fruit du travail du consortium qui rassemble, aux côtés de l’Ineris et de Météo-France, le CNRS et le LCSQA. Les prévisions et cartographies de qualité de l’air à différentes échelles spatiales sont issues de modèles complexes de physico-chimie de l’atmosphère, couplés à des algorithmes de fusion de données qui intègrent dans les modèles les données d’observation mises à disposition quotidiennement à travers l’Europe par les réseaux de mesure. En 2017, afin de renforcer sa fiabilité et d’augmenter sa résolution, l’ensemble de la chaîne a été transférée sur le supercalculateur de Météo France. Résultat, les cartes de pollution sont désormais produites en France à 4 km de résolution contre 10 km auparavant. Des cartes européennes à 10 km de résolution sont par ailleurs produites dans le cadre du service Copernicus de surveillance de l’atmosphère de la Commission européenne. Ces informations plus précises et plus fiables permettent de mieux anticiper les épisodes de pollution qui se développent en France tout au long de l’année. Compte tenu de la préoccupation du public sur les questions de la qualité de l’air et de l’émergence des startups désireuses d’élargir leurs prestations, le consortium PREV’AIR a décidé de mettre à disposition ses prévisions sur le site data.gouv.fr. Le service européen COPERNICUS de surveillance de l'atmosphère Une approche intégrée de surveillance de la qualité de l’air en Europe. Consulter la page 20 ans d’évolution de la qualité de l’air cartographiés par l’Ineris L’Ineris publie en ligne une cartothèque permettant de retracer l’évolution de la qualité de l’air en France, de 2000 à 2019. Ces cartes, représentatives de la pollution générale de l’air ambiant (pollution « de fond »), sont issues des simulations numériques, intégrant des données de mesure collectées sur le terrain. Une telle cartographie fournit des éléments pour mieux connaître l’exposition des populations et des écosystèmes et peut contribuer au suivi de l’efficacité des politiques de gestion de la qualité de l’air. Consulter la page Tendances de la qualité de l’air en Europe entre 1990 et 2015 : quels impacts sanitaires ? La qualité de l’air a beaucoup évolué depuis les années 1990, notamment sous l’effet de mesures de gestion visant à réduire les émissions de polluants en Europe. Ces politiques ont aussi été accompagnées du développement d’outils de surveillance permettant d’évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre. Ces outils incluent bien sûr les réseaux de stations réglementaires mais aussi les modèles numériques. Après plusieurs décennies consacrées à l’implémentation de mesures de baisses d’émissions de polluants, et au développement d’outils de suivi, il est légitime de mettre aujourd’hui l’ensemble en perspective pour comprendre quelle a été l’efficacité des politiques d’amélioration de la qualité de l’air. La mise en œuvre de la modélisation pour des études d’impacts a été possible grâce aux travaux préalables de l’Ineris dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la pollution atmosphérique transfrontière. C’est plus particulièrement la Task Force sur la mesure et la modélisation (TFMM) qui a lancé en 2015 un vaste programme d’étude des tendances de qualité de l’air en Europe et initié un exercice d’intercomparaison de modèles (Eurodelta-Trends) visant à reproduire par la modélisation l’évolution de la qualité de l’air en Europe entre 1990 et 2010. Ces résultats de modélisation ont été validés par comparaison aux études de tendance constatées par la mesure, ce qui a permis leur exploitation pour des études d’impact. Une première étude était consacrée à l’exploitation des résultats de modélisation pour comprendre l’effet relatif sur la qualité de l’air des réductions d’émissions, de la variabilité météorologique, et de la pollution hémisphérique. Les résultats de l’exercice Eurodelta-Trends ont aussi permis de discuter l’évolution à long terme de l’effet de l’ozone sur les rendements agricoles. Une deuxième étude concerne les effets sanitaires et leurs tendances. Elle a étudié l’évolution de la mortalité attribuable à l’exposition aux particules fines. L’étude consiste à regrouper diverses évaluations de l’exposition aux PM2.5 en Europe entre 1990 et 2015 et à les traduire en impacts sanitaires à l’aide d’une approche unique appliquée pour les différentes sources d’exposition. MÉTHODOLOGIE Des cartographies de concentration de surface de PM2.5 ont été collectées à partir des sources suivantes : Agence européenne de l’environnement/Topic Centre on Air Pollution Transport Noise and Industry; Copernicus Atmosphere Monitoring Service; Eurodelta-Trends ; Global Burden of Disease Ces différentes sources d’information sur les concentrations de PM2.5 ont été traduites en termes d’exposition avec une pondération par la population, puis agrégation par pays. La répartition spatiale de la population a été supposée constante (année 2011) mais pour chaque pays la population totale et la répartition par classe d’âge sont variables sur la période. L’outil d’évaluation d’impact sanitaire Alpha-Risk-Poll a ensuite été utilisé pour évaluer la mortalité due à l’exposition à long terme aux PM2.5 parmi la population âgée d’au moins 30 ans, exprimée en décès prématurés par an. La relation concentration- risque utilisée est celle de l’Agence européenne de l’environnement, soit 1,062 par augmentation d’exposition de 10 μg/m3 de PM2.5, et il faut noter que celle-ci est supposée constante sur toute la période. RÉSULTATS Une nette tendance à la baisse a été identifiée avec une baisse de la mortalité attribuable aux particules fines de l’ordre de 60 % en Europe sur la période 1990-2015. En 1990, en prenant la médiane de l’ensemble des sources d’exposition disponibles, la mortalité prématurée était de l’ordre de 960 000 décès par an. En 2015, elle est de 445 000 décès par an, ce qui reste très élevé malgré l’amélioration notable. Par ailleurs, on peut souligner que la plus grande part de l’amélioration a été constatée entre 1990 et 2005 et que depuis cette date, les tendances sont beaucoup moins prononcées. La tendance en France est assez cohérente par rapport à l’évolution européenne, avec une mortalité évaluée à 89 000 décès anticipés en 1990, 48 000 en 2010 et 36 000 en 2015. À noter la cohérence des chiffres de mortalité calculée avec notre méthodologie pour 2010 et les estimations de Santé publique France qui correspondent aux années 2007-2008. Les incertitudes demeurent élevées, notamment pour la période avant 2000 où les estimations d’exposition peuvent varier d’un facteur deux. Et ces incertitudes ont aussi un effet sur l’évaluation des tendances. Entre 1990 et 2010, avec les cartographies Eurodelta-Trends on trouve une réduction de la mortalité de 52 % alors que la baisse n’est que de 30 % avec les chiffres du Global Burden of Disease. Le Confinement de 2020 : quel impact sur l’amélioration de la qualité de l’air ? Le confinement, décrété le 17 mars 2020, en réponse à la Covid-19, a eu un effet notable sur la qualité de l’air. Les restrictions imposées ont réduit l’activité économique et ont conduit à une forte diminution de polluants, issus notamment du trafic routier. Pendant la période du premier confinement, les concentrations de dioxyde d’azote ont été réduites en moyenne de 49 %, de 12 % pour les particules fines PM2.5 et de 10 % pour les PM10 dans les grandes villes françaises. Cette conclusion est le point d’orgue d’une analyse menée par l’Ineris par simulation numérique couplée à l’analyse de données en temps réel. Estimer et quantifier l’impact du confinement est une problématique complexe. En effet, la qualité de l’air dépend non seulement des émissions de polluants qui s’accumulent dans l’atmosphère mais aussi des réactions chimiques entre ces composés et des conditions météorologiques qui favorisent plus ou moins leur dispersion. L’expertise de l’Ineris en matière de modélisation de la qualité de l’air a permis d’apporter une réponse. L’Institut a ainsi été amené à coordonner une étude Européenne en 2020 impliquant plusieurs des grandes équipes de modélisation de la qualité de l’air pour évaluer l’impact du confinement du printemps 2020 sur la qualité de l’air. Ces résultats ont notamment été repris par l’Agence Européenne de l’Environnement pour son rapport 2020 : https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2020-report Ces travaux ont alimenté une étude conduite par Santé Publique France impliquant également le Citepa. Les résultats ont conduit à souligner que les baisses de pollution pendant le confinement au printemps 2020 ont été associées à des bénéfices non négligeables pour la santé.
Le service européen COPERNICUS de surveillance de l'atmosphère Une approche intégrée de surveillance de la qualité de l’air en Europe. Consulter la page
20 ans d’évolution de la qualité de l’air cartographiés par l’Ineris L’Ineris publie en ligne une cartothèque permettant de retracer l’évolution de la qualité de l’air en France, de 2000 à 2019. Ces cartes, représentatives de la pollution générale de l’air ambiant (pollution « de fond »), sont issues des simulations numériques, intégrant des données de mesure collectées sur le terrain. Une telle cartographie fournit des éléments pour mieux connaître l’exposition des populations et des écosystèmes et peut contribuer au suivi de l’efficacité des politiques de gestion de la qualité de l’air. Consulter la page