Dangers des substances et évaluation des risques sanitaires Le 2 octobre 2019, l’Ineris a été saisi par l’Etat, conjointement avec l’Anses, pour identifier les contaminants pouvant contribuer de façon significative, aux risques pour la santé des populations qui seraient exposées. Ce travail vise à fournir des éléments techniques, pour faire évoluer le plan de surveillance du risque immédiat, vers le risque sur le long terme. Qu’est-ce que l’Ineris a examiné ? Les Ministres de la santé et des solidarités, de la transition écologique et solidaire, de l’agriculture et de l’alimentation, ont saisi l’Anses et l’Ineris pour « identifier les contaminants, susceptibles de s'être formés à l'occasion de cet accident et de produire des retombées en dehors du site, qui seraient les contributeurs majoritaires aux risques sanitaires associés à différentes voies d'exposition postaccidentelles » [saisine]. Il s’est agi de compléter, si cela s’avérait nécessaire, la première liste de substances identifiées en situation d’urgence, non plus dans une perspective de risque immédiat, mais de risques pour la santé pouvant être différés dans le temps. Quelles substances chimiques, auxquelles les populations sont susceptibles d’être exposées durablement dans leur quotidien, mériteraient d’être surveillées ? L’Ineris s’est chargé d’étudier les contaminants produits par l’incendie, qui pourraient se trouver dans l’environnement en général, à savoir les différents types de milieux « air », « eau », « sol ». L’Anses a, de son côté, traité la question spécifique de la présence potentielle, dans la chaîne alimentaire (eaux de consommation incluses), de contaminants issus de l’incendie. Les experts de l’Institut ont fondé leur travail sur les données relatives aux substances, rendues disponibles sur le site de la Préfecture de Seine Maritime le 2 octobre, principalement la liste de produits fournie par l’exploitant et leurs fiches de données de sécurité (FDS). L’Ineris s’est intéressé d’une part à « l’aliment au feu », à savoir les substances contenues originellement dans les produits stockés, et d’autre part aux « produits de décomposition », les substances contenues dans les émissions gazeuses générées par l’incendie. Les secondes ne sont pas strictement identiques aux premières, du fait des réactions chimiques intervenant dans le processus de combustion. Les équipes spécialistes de l’incendie ont conduit une analyse qualitative et semi-quantitative (sur la base de quantités déclarées par Lubrizol), de ces données sur les substances (dans leur quasi-totalité des mélanges de substances), en utilisant la classification des produits selon la règlementation CLP. Les experts en écotoxicologie de l’Institut ont également réalisé une analyse des substances, au regard du risque potentiel pour les écosystèmes naturels, en particulier la toxicité des produits pour les organismes aquatiques. A noter que l’Institut s’est appuyé uniquement sur les documents disponibles, à vocation principalement réglementaire et dont l’objectif n’est pas d’être exhaustif. Par conséquent, une part des substances n’a pu être identifiée, lorsque celles-ci ne relevaient pas d’une obligation réglementaire de classification au titre des substances dangereuses (substance non classée dangereuse, teneur insuffisante de la substance dans le produit ou le mélange pour être classée...). C’est le cas par exemple de substances émergentes comme les nano-éléments. L’Ineris en position de tiers-expert La saisine a évoqué l’éventualité que l’Ineris contribue à la tierce-expertise de l’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS), que les services de l’Etat sont en droit d’exiger de la part de l’exploitant. En effet, les travaux de l’Institut sur les méthodes réglementaires d’évaluation de risques sanitaires font référence, au travers du guide publié en 2013 sur la démarche d’évaluation de l’état des milieux et des risques sanitaires. En tant que tiers-expert, l’Ineris aura pour rôle de venir en appui des services de l’Etat pour réaliser la lecture critique des points précis de l’étude pour lesquels la DREAL souhaite un éclairage scientifique et technique. Des conclusions cohérentes avec les premières préconisations L’avis rendu par l’Ineris le 4 octobre a confirmé la pertinence des premières préconisations formulées en situation d’urgence (et bénéficiant du retour d’expérience acquis par l’Institut sur des accidents similaires). L’analyse a confirmé la forte présence de produits de combustion couramment émis par un incendie : produits soufrés, produits azotés et hydrocarbures (d’où l’importance de surveiller les hydrocarbures aromatiques polycycliques). L’Institut a conclu à l’absence de substances toxiques halogénées (comme le fluor ou le brome), à l’exception du chlore, présent cependant en faible quantité (d’où l’intérêt du suivi des dioxines et furannes). La présence de métaux lourds pourrait se limiter aux composés contenant du zinc. Toutefois l’analyse de l’Ineris a exclusivement porté sur les substances stockées. Elle ne tient pas compte de toutes les dimensions d’un incendie de cette ampleur : en particulier la contribution des autres « aliments au feu » n’est pas prise en compte, à savoir les emballages des produits, le matériel logistique classique (palette...), les équipements du bâtiment (installations électriques...), les solutions d’extinction utilisées par les services d’intervention... Sur le volet environnemental, l’Institut a relevé un grand nombre de produits très toxiques pour les organismes aquatiques. L’Ineris a recommandé de mieux cibler, dans la surveillance, les polluants organiques persistants (POP) contenus dans les résidus imbrûlés, qui se diffuseraient notamment dans l’environnement via les eaux d’extinction. Même si aucune substance ne s’ajoute à la surveillance définie dans les premières heures de l’incendie (et pour lequel l’Institut avait fait des propositions), l’Ineris a insisté sur la nécessité de faire évoluer le plan de surveillance. Dans une optique de suivi de l’exposition sur le long terme, le choix des matrices à prélever (support physique dans lequel se retrouve fixée une substance chimique : air, eau, boue, sol, végétaux...), la localisation d’échantillonnage, les méthodes de prélèvement et d’analyse diffèrent des stratégies de gestion de l’urgence. Quel impact de l’incendie des stocks de Normandie Logistique ? Le 4 octobre, il a été rendu public qu’une partie des bâtiments de Normandie Logistique, site voisin de Lubrizol, avait brûlé au moment de l’incendie du site ; ces bâtiments contenaient certains stocks appartenant à Lubrizol. Le 10 octobre, l’Ineris a rendu un complément à son premier avis afin de prendre en compte les éléments stockés sur le site de Normandie Logistique. Se fondant sur l’analyse de l’inventaire disponible, l’Institut a conclu que les produits du stockage de Normandie Logistique ayant brûlé lors de l’incendie ne modifiaient pas l’analyse et les recommandations émises dans son avis du 4 octobre. L’Ineris a également confirmé que les éléments connus sur le stockage de Normandie Logistique ne remettaient pas en cause la simulation du panache de fumées réalisée le 26 septembre, et n’étaient pas de nature à élargir la cartographie des retombées (et par conséquent à modifier la campagne de prélèvement).
Dangers des substances et évaluation des risques sanitaires Le 2 octobre 2019, l’Ineris a été saisi par l’Etat, conjointement avec l’Anses, pour identifier les contaminants pouvant contribuer de façon significative, aux risques pour la santé des populations qui seraient exposées. Ce travail vise à fournir des éléments techniques, pour faire évoluer le plan de surveillance du risque immédiat, vers le risque sur le long terme. Qu’est-ce que l’Ineris a examiné ? Les Ministres de la santé et des solidarités, de la transition écologique et solidaire, de l’agriculture et de l’alimentation, ont saisi l’Anses et l’Ineris pour « identifier les contaminants, susceptibles de s'être formés à l'occasion de cet accident et de produire des retombées en dehors du site, qui seraient les contributeurs majoritaires aux risques sanitaires associés à différentes voies d'exposition postaccidentelles » [saisine]. Il s’est agi de compléter, si cela s’avérait nécessaire, la première liste de substances identifiées en situation d’urgence, non plus dans une perspective de risque immédiat, mais de risques pour la santé pouvant être différés dans le temps. Quelles substances chimiques, auxquelles les populations sont susceptibles d’être exposées durablement dans leur quotidien, mériteraient d’être surveillées ? L’Ineris s’est chargé d’étudier les contaminants produits par l’incendie, qui pourraient se trouver dans l’environnement en général, à savoir les différents types de milieux « air », « eau », « sol ». L’Anses a, de son côté, traité la question spécifique de la présence potentielle, dans la chaîne alimentaire (eaux de consommation incluses), de contaminants issus de l’incendie. Les experts de l’Institut ont fondé leur travail sur les données relatives aux substances, rendues disponibles sur le site de la Préfecture de Seine Maritime le 2 octobre, principalement la liste de produits fournie par l’exploitant et leurs fiches de données de sécurité (FDS). L’Ineris s’est intéressé d’une part à « l’aliment au feu », à savoir les substances contenues originellement dans les produits stockés, et d’autre part aux « produits de décomposition », les substances contenues dans les émissions gazeuses générées par l’incendie. Les secondes ne sont pas strictement identiques aux premières, du fait des réactions chimiques intervenant dans le processus de combustion. Les équipes spécialistes de l’incendie ont conduit une analyse qualitative et semi-quantitative (sur la base de quantités déclarées par Lubrizol), de ces données sur les substances (dans leur quasi-totalité des mélanges de substances), en utilisant la classification des produits selon la règlementation CLP. Les experts en écotoxicologie de l’Institut ont également réalisé une analyse des substances, au regard du risque potentiel pour les écosystèmes naturels, en particulier la toxicité des produits pour les organismes aquatiques. A noter que l’Institut s’est appuyé uniquement sur les documents disponibles, à vocation principalement réglementaire et dont l’objectif n’est pas d’être exhaustif. Par conséquent, une part des substances n’a pu être identifiée, lorsque celles-ci ne relevaient pas d’une obligation réglementaire de classification au titre des substances dangereuses (substance non classée dangereuse, teneur insuffisante de la substance dans le produit ou le mélange pour être classée...). C’est le cas par exemple de substances émergentes comme les nano-éléments. L’Ineris en position de tiers-expert La saisine a évoqué l’éventualité que l’Ineris contribue à la tierce-expertise de l’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS), que les services de l’Etat sont en droit d’exiger de la part de l’exploitant. En effet, les travaux de l’Institut sur les méthodes réglementaires d’évaluation de risques sanitaires font référence, au travers du guide publié en 2013 sur la démarche d’évaluation de l’état des milieux et des risques sanitaires. En tant que tiers-expert, l’Ineris aura pour rôle de venir en appui des services de l’Etat pour réaliser la lecture critique des points précis de l’étude pour lesquels la DREAL souhaite un éclairage scientifique et technique. Des conclusions cohérentes avec les premières préconisations L’avis rendu par l’Ineris le 4 octobre a confirmé la pertinence des premières préconisations formulées en situation d’urgence (et bénéficiant du retour d’expérience acquis par l’Institut sur des accidents similaires). L’analyse a confirmé la forte présence de produits de combustion couramment émis par un incendie : produits soufrés, produits azotés et hydrocarbures (d’où l’importance de surveiller les hydrocarbures aromatiques polycycliques). L’Institut a conclu à l’absence de substances toxiques halogénées (comme le fluor ou le brome), à l’exception du chlore, présent cependant en faible quantité (d’où l’intérêt du suivi des dioxines et furannes). La présence de métaux lourds pourrait se limiter aux composés contenant du zinc. Toutefois l’analyse de l’Ineris a exclusivement porté sur les substances stockées. Elle ne tient pas compte de toutes les dimensions d’un incendie de cette ampleur : en particulier la contribution des autres « aliments au feu » n’est pas prise en compte, à savoir les emballages des produits, le matériel logistique classique (palette...), les équipements du bâtiment (installations électriques...), les solutions d’extinction utilisées par les services d’intervention... Sur le volet environnemental, l’Institut a relevé un grand nombre de produits très toxiques pour les organismes aquatiques. L’Ineris a recommandé de mieux cibler, dans la surveillance, les polluants organiques persistants (POP) contenus dans les résidus imbrûlés, qui se diffuseraient notamment dans l’environnement via les eaux d’extinction. Même si aucune substance ne s’ajoute à la surveillance définie dans les premières heures de l’incendie (et pour lequel l’Institut avait fait des propositions), l’Ineris a insisté sur la nécessité de faire évoluer le plan de surveillance. Dans une optique de suivi de l’exposition sur le long terme, le choix des matrices à prélever (support physique dans lequel se retrouve fixée une substance chimique : air, eau, boue, sol, végétaux...), la localisation d’échantillonnage, les méthodes de prélèvement et d’analyse diffèrent des stratégies de gestion de l’urgence. Quel impact de l’incendie des stocks de Normandie Logistique ? Le 4 octobre, il a été rendu public qu’une partie des bâtiments de Normandie Logistique, site voisin de Lubrizol, avait brûlé au moment de l’incendie du site ; ces bâtiments contenaient certains stocks appartenant à Lubrizol. Le 10 octobre, l’Ineris a rendu un complément à son premier avis afin de prendre en compte les éléments stockés sur le site de Normandie Logistique. Se fondant sur l’analyse de l’inventaire disponible, l’Institut a conclu que les produits du stockage de Normandie Logistique ayant brûlé lors de l’incendie ne modifiaient pas l’analyse et les recommandations émises dans son avis du 4 octobre. L’Ineris a également confirmé que les éléments connus sur le stockage de Normandie Logistique ne remettaient pas en cause la simulation du panache de fumées réalisée le 26 septembre, et n’étaient pas de nature à élargir la cartographie des retombées (et par conséquent à modifier la campagne de prélèvement).