Réduction de la pollution aux particules : état des lieux et priorités

Les niveaux de concentrations des PM10 enregistrés ces dernières années sont moins élevés que les valeurs que l’on observait dans les années 2000, avec des conditions météorologiques similaires. Les modèles numériques utilisés pour des études de sensibilité, ont conduit à conclure quant au rôle primordial des stratégies de réduction d’émissions de polluant dont l’impact est supérieur aux autres facteurs tels que la variabilité météorologique ou le transport intercontinental de polluants.

Politique de réduction des émissions : une efficacité démontrée sur les niveaux de concentration des PM10

Dans le cadre de ses travaux d’appui au ministère chargé de l’Environnement et pour l’Agence Européenne de l’Environnement, l’Ineris conduit des études sur les tendances de pollution de l’air. Ces rapports alimentent les négociations menées dans le cadre de la Convention de la Commission Economique pour L’Europe des Nations Unies (CEE-NU) sur le transport de la pollution atmosphérique à longue distance (CLRTAP).
La tendance déclinante des particules fines est de l’ordre de 30 à 45% sur la période 2000-2019, en fonction des types de stations. La tendance est similaire pour les PM10 et les PM2.5 lorsqu’on compare des sites de mesure colocalisés. La baisse de concentration de PM10 et PM2.5 est plus rapide que la baisse des émissions de particules primaires, notamment grâce à l’effet supplémentaire des réductions de précurseurs gazeux (notamment SOx et NOx).

PM10

Tendances de la moyenne annuelle de PM10 sur l’Europe entre 2000 et 2019, à divers types de stations (source : ETC/ATNI, adapté de https://www.eionet.europa.eu/etcs/etc-atni/products/etc-atni-reports/etc-atni-report-16-2019-air-quality-trends-in-europe-2000-2017-assessment-for-surface-so2-no2-ozone-pm10-and-pm2-5-1)

La modélisation, un outil essentiel pour les études de tendances et les projections

Avancées sur la modélisation des aérosols dans le modèle CHIMERE - Développement d’un nouveau module d’aérosol

Les particules sont de la matière condensée (solide ou liquide) en suspension dans l’atmosphère. Elles sont constituées par un mélange complexe de composés organiques ou inorganiques pouvant avoir des sources anthropiques (industries, chauffage au bois, trafic routier ou non routier, agriculture) ou naturelles (sels marins, poussières désertiques) et peuvent être à la fois primaires (directement émises sous forme de particules) ou secondaires (formées par réaction chimique dans l’atmosphère).
Les particules sont séparées en fonction de leur diamètre aérodynamique : les PM10 (particules dont le diamètre aérodynamique est inférieur à 10 μm) et les PM2.5 (particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 μm). On distingue aussi les nanoparticules de diamètre inférieur à 100 nm. Les particules grossières (diamètre entre 2,5 et 10 μm) ont des durées de vie faibles dans l’atmosphère car elles se déposent rapidement. Au contraire, les PM2.5 se déposent lentement et peuvent rester en suspension dans l’atmosphère pendant plusieurs jours et se transformer.

La multitude des phénomènes microphysiques et chimiques intervenant dans la formation des particules (nucléation, coagulation, condensation/évaporation, oxydation en phase gazeuse et dans la phase aqueuse des nuages) rend la modélisation des particules particulièrement complexe.
L’unité de modélisation atmosphérique et cartographie environnementale de l’Ineris développe et met en œuvre le modèle de chimie-transport CHIMERE pour ses missions d’appui aux politiques publiques, de recherche et ses activités d’expertise. CHIMERE est un modèle déterministe qui résout les équations régissant le transport et l’évolution physico-chimique des particules en utilisant en entrée les données de flux d’émissions induits principalement par les activités humaines et les champs météorologiques qui influent sur l’accumulation et la dispersion des polluants.

Depuis une quinzaine d’années, l’Ineris participe activement au développement du module d’aérosol de CHIMERE en collaboration avec le Laboratoire de météorologie dynamique du CNRS et de l’École polytechnique. Récemment, une mise à jour du module d’aérosol a été réalisée pour prendre en compte les avancées scientifiques les plus récentes.

Ce module d’aérosol est développé en partenariat avec le laboratoire CEREA, centre de recherche commun de l’école des Ponts Paristech et d’EDF. Parmi les principaux développements, la modélisation des aérosols organiques secondaires (AOS) intègre désormais un mécanisme chimique prenant en compte les propriétés hydrophiles et hydrophobes des particules formées par oxydation des précurseurs biogéniques (venant des émissions de la végétation : isoprène, monoterpènes, sesquiterpènes) et anthropiques (composés aromatiques).

L’oxydation de ces composés mène à la formation de composés semi-volatils dont le partage gaz/ particules est simulé par un module gérant la nonidéalité de l’aérosol (influence des interactions entre composés organiques sur la formation d’aérosols). La Figure illustre les concentrations d’aérosol organique simulées par le nouveau module d’aérosols de CHIMERE. En ce qui concerne la formation d’aérosols inorganiques secondaires (sulfates, nitrates et ammonium), le modèle prend mieux en compte les conditions météorologiques dans les équilibres thermodynamiques ainsi que la condensation de l’acide nitrique sur les sels marins et les poussières désertiques.

graphique

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Concentrations de carbone organique (μg/m3) simulé par le modèle CHIMERE sur les mois de janvier et juillet 2013. Les triangles correspondent aux valeurs mesurées sur site.

 

Les résultats du nouveau module ont été comparés aux mesures de PM2.5, PM10 et de composition d’aérosols, effectuées en Europe. Cette analyse montre de bonnes performances de CHIMERE, pour simuler de manière générale les particules (figure ci-dessus). Cependant, le modèle a encore tendance à sous-estimer les teneurs en aérosols organiques en été et à surestimer les concentrations de nitrate d’ammonium en hiver en Europe de l’Est (probablement à cause d’une surestimation des émissions d’ammoniac).