De la composition chimique aux sources de particules

Application de modèles récepteurs pour l’identification et la quantification des principales sources de particules atmosphériques

L’élaboration et l’évaluation des plans d’action visant à améliorer la qualité de l’air nécessitent l’identification et la quantification des principales sources d’émissions. Deux grands types de méthodologies sont alors principalement utilisées :

  • celles se basant sur l’utilisation de modèles numériques permettant de simuler le devenir des polluants dans l’atmosphère à partir de cadastres d’émission, de la paramétrisation des conditions météorologiques et des processus physico-chimiques de (trans-)formation des PM (particulate matter) ;
  • celles se basant sur la mesure des propriétés physico-chimiques des particules sur un site récepteur (« modèles récepteurs »).

Ces derniers rendent compte des situations réelles et sont aujourd’hui couramment utilisés au sein de la communauté scientifique et par les acteurs de la surveillance de la qualité de l’air. Un guide méthodologique pour la mise en œuvre des modèles récepteurs a été édité dans le cadre des travaux du forum européen pour la modélisation de la qualité de l’air (FAIRMODE). L’Ineris s’est fortement impliqué dans ces travaux, en collaboration avec le Joint Research Center.

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Page de couverture de la version révisée du guide européen pour l’application de modèles récepteurs paru en 2019

 

Les méthodologies appliquées incluent généralement la détermination d’une grande diversité de traceurs spécifiques, suivie de l’utilisation d’outils statistiques basés soit sur une bonne connaissance a priori des principales sources et de leur profil d’émission, soit sur une détermination a posteriori de ces sources à l’aide de profils d’émission déterminés par ailleurs. Quelle que soit l’approche utilisée, l’obtention de résultats pertinents nécessite une bonne connaissance de l’environnement immédiat du site d’étude et ainsi que l’élaboration d’une stratégie expérimentale adaptée.

Les informations fournies par les modèles récepteurs sont directement exploitables (et communicables) pour les sources primaires de particules (e.g., combustion de biomasse, émissions directes à l’échappement automobile, sels de mer…). En revanche, pour les aérosols secondaires, les contributions obtenues ne peuvent permettre de statuer directement sur l’impact réel d’une modification des concentrations de leurs précurseurs gazeux (dont les sources restent, en outre, fréquemment à déterminer) sur leurs niveaux de concentrations particulaires. En effet, comme les processus de transformations secondaires ne sont généralement pas linéaires, les polluants émis par les différentes sources (anthropiques ou naturelles) réagissent entre eux, selon des processus que les modèles récepteurs ne peuvent ni discriminer ni quantifier.

Pour exemple, les modèles récepteurs permettent d’estimer la contribution des émissions directes de particules par le transport routier, mais n’apportent pas d’information quantitative précise sur l’influence réelle de cette même source dans la formation d’aérosols secondaires (en particulier le nitrate d’ammonium et les aérosols organiques secondaires).

L’application de « modèles récepteurs » implique généralement l’utilisation de nombreuses hypothèses conceptuelles et empiriques. Leur mise en œuvre nécessite de documenter de la manière la plus exhaustive possible les choix réalisés au cours des différentes étapes de leur mise en œuvre.
En parallèle des travaux méthodologiques qu’il a menés sur ces approches, l’Ineris a également conduit une étude intégrative avec l’Institut des géosciences de l’environnement (CNRS/ Université Grenoble Alpes) permettant une réanalyse homogène d’une quinzaine de jeux de données français collectés entre 2012 et 2016 dans le cadre du programme CARA du LCSQA (Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air) et/ou de projets de recherche nationaux/ européens.

Ce travail a été cofinancé par l’Ademe (projet SOURCES) et constitue la plus large étude de sources de PM10 au niveau national par application d’un modèle récepteur. Il a fait l’objet d’une publication scientifique en 2019, synthétisant les principaux résultats issus de cette étude [Weber, S., D. Salameh, A. Albinet, L. Alleman, A. Waked, J.-L. Besombes, V. Jacob, G. Guillaud, B. Mesbah, B. Rocq, A. Hulin, M. Dominik-Sègue, E. Chrétien, J.-L. Jaffrezo and O. Favez (2019) : Comparison of PM10 source profiles at 15 French sites using a harmonized constrained positive matrix factorization approach. Atmosphere, 10, 310, doi: 10.3390/atmos10060310].

À titre d’illustration, la figure ci-dessous  présente les contributions moyennes des principales sources de PM obtenus pour environ 11 sites de fond urbain à l’échelle nationale :

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Contributions annuelles moyennes des principaux facteurs constitutifs des PM10 en fond urbain à l’échelle nationale

 

En complément, les résultats obtenus depuis une dizaine d’années dans le cadre du programme CARA soulignent notamment l’influence prédominante du chauffage résidentiel au bois en hiver, et des émissions des véhicules (à l'échappement et hors-échappement), sur la qualité de l'air des grandes agglomérations françaises.

Ils illustrent également l'importance de sources additionnelles au niveau local (comme les émissions liées au transport maritime et aux activités industrielles à Marseille), ou pendant certaines périodes critiques de l'année (par exemple, les émissions d'ammoniac dues aux activités agricoles à la fin de l'hiver et au début du printemps). (Favez et al. (2021) : Overview of the French operational network for in situ observation of PM chemical composition and sources in urban environments (CARA program). Atmosphere, 12, 207, doi: 10.3390/atmos12020207)

De récents travaux ont également mis en évidence la contribution non négligeable des particules primaires biogéniques (e.g., débris de plantes, spores, etc) en particulier en été, ainsi que l'impact majeur des poussières sahariennes sur les dépassements des valeurs limites de PM10 dans les Antilles françaises (Figure 3). En outre, des travaux ont été entrepris pour approfondir nos connaissances sur l'origine des espèces secondaires, notamment en utilisant de nouveaux marqueurs moléculaires organiques.

Figure
Contributions des six principales sources de PM10 identifiées pour une station trafic de Fort-de-France (Renéville), en dehors et pendant des périodes de dépassement du seuil journalier de PM10 en 2018.