Impacts sanitaires La qualité de l’air représente un enjeu sanitaire majeur compte tenu de la responsabilité de la pollution de l’air dans la prévalence des maladies cardio-respiratoires ou cérébrales et des cancers. Les effets des polluants atmosphériques sont classés en deux groupes : les effets immédiats ou aigus (après une exposition de courte durée) : manifestations cliniques, fonctionnelles ou biologiques qui surviennent dans des délais rapides suite aux variations journalières des niveaux ambiants de pollution atmosphérique. Cela peut se manifester par des irritations oculaires ou des voies respiratoires, des crises d’asthme, une exacerbation de troubles cardio-vasculaires et respiratoires pouvant conduire à une hospitalisation, et dans les cas les plus graves au décès ; les effets à long terme ou chroniques (après des expositions répétées ou continues tout au long de la vie) : les polluants de l’air induisent la survenue et/ou l’accroissement d’effets néfastes pour la santé, pouvant conduire à une surmortalité et une baisse de l’espérance de vie. Ils peuvent dans ce cas être considérés comme une contribution de cette exposition au développement ou à l’aggravation de maladies chroniques telles que : cancers, pathologies cardiovasculaires et respiratoires, troubles neurologiques, troubles du développement, etc. L’exposition chronique à la pollution de l’air conduit aux impacts les plus importants sur la santé. Les personnes vulnérables ou sensibles (enfants, personnes âgées, malades du cœur ou des poumons, asthmatiques) sont les plus exposées aux effets délétères. En octobre 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la pollution de l’air extérieur comme cancérogène certain pour l’homme ; en septembre 2016, elle évalue à 92 % la population mondiale respirant un air ambiant trop pollué. En France, un rapport de la Commission d’enquête du Sénat estime de 70 à 100 milliards d’euros par an le coût de la pollution atmosphérique et Santé Publique France (SPF) a estimé en 2021 que chaque année près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM2.5). L’appareil respiratoire est l’organe cible principal des effets des polluants de l’air. Plusieurs effets peuvent être observés : irritation, toux, gêne, difficultés respiratoires, bronchite, infections pulmonaires, fibrose, cancer…ect. Une part importante de ces effets pulmonaires sont des effets locaux qui surviennent au point de contact avec le polluant à différentes zones de l’appareil respiratoire. Afin de mieux caractériser ces effets, des approches intégratrices utilisant l’ensemble des données disponibles telles que les données issues d’essais in vitro, in silico ou in vivo sont considérées dans une démarche d’évaluation globale. Les méthodes dites « Adverse Outcome Pathway ou AOP » permettent de relier un évènement moléculaire initiateur à un effet néfaste sur les individus et de mieux caractériser les effets sur les individus, et leur développement fait partie du champs de travail des équipes de toxicologues de l’Ineris. L'Ineris contribue également à une meilleure connaissance de l’évaluation des transferts entre les compartiments environnementaux dont l’air. L’Ineris, acteur central de l’évaluation des risques sanitaires, contribue également à améliorer les connaissances autour de l'exposition globale aux substances et agents chimiques en fonction des niveaux de contribution et des contributeurs (sources industrielles et sites pollués qui peuvent engendrer une contamination de l’air). Cette connaissance permet, en cohérence avec le concept d'exposome, l'évaluation du risque et la priorisation des actions de réduction de l'exposition. L’Évaluation des Risques Sanitaires (ERS) est une démarche visant à décrire et quantifier les risques sanitaires consécutifs à l’exposition de personnes à des substances toxiques. Elle s’applique depuis 2000 à l’analyse des effets potentiels liés à la toxicité des substances chimiques émises par les ICPE dans leur environnement. L’évaluation des risques liés aux substances chimiques pour la santé prévoit quatre étapes : l’identification des dangers; l’évaluation de la relation dose-réponse; l’évaluation de l’exposition; la caractérisation des risques. L’évaluation des risques sanitaires est une évaluation prospective qui apporte des éléments de prédiction des risques sur la base d’hypothèses d’émissions et d’expositions. Le volet “air” des études d’évaluation de risques sanitaires est plus ou moins important en fonction des situations. L’outil de référence développé par l’Ineris pour la modélisation des multiexpositions aux substances chimiques dans l’environnement, dans un contexte d’évaluation des risques sanitaires à l’échelle d’un site est le logiciel MODUL’ERS. L’Institut met à disposition des outils et méthodologies qu’il développe pour la caractérisation et la spatialisation des inégalités territoriales d’exposition aux stresseurs environnementaux dont la pollution atmosphérique. A ce titre, il propose et construit des indicateurs intégrés d’exposition environnementale tant sur l’exposition externe (cumul d’exposition à des facteurs environnementaux) qu’interne (doses à l’organe cible ou doses internes), en particulier dans le cadre du suivi des plans nationaux santé-environnement. > Le dossier "Inégalité environnementales" Les travaux de l’Ineris sur l’évaluation de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique portent à la fois sur la déclinaison de méthode d’évaluation multi-milieux des risques sanitaires associés aux expositions par ingestion et par inhalation (voire par contact cutané) en fonction des sources et des substances, et également sur la qualification des effets sur la santé des particules fines et de leurs composés chimiques. Discriminer les effets en fonction de la composition chimique et de la taille des particules est un champ de recherche encore ouvert, qui est susceptible à long terme de faire évoluer les stratégies de réduction des émissions s’il était démontré le besoin de se concentrer sur des composés plus particuliers. Néanmoins en septembre 2021 l’organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé l’importance de cibler les particules PM10 et PM2.5 dans les stratégies de réduction des exposition en fixant des valeurs guides sur les concentrations massiques de ces composés agrégés sans préjuger de leur composition chimique. Caractérisation de l’exposition environnementale spatialisée à un pyréthrinoïde en Picardie Les expositions aux pesticides se caractérisent par la multiplicité des voies d’exposition (alimentation, eau, sol, air) liée à leur présence dans l’ensemble des milieux environnementaux. Pour une caractérisation fine des expositions environnementales, un premier verrou réside dans la capacité à rassembler au sein d’un même système d’analyse un ensemble de données combinant le mode de vie des populations et la contamination locale des milieux environnementaux sur des résolutions spatiales appropriées et des territoires étendus. Dans le cadre de cette étude pilote, l’objectif du projet CartoExpo, financé dans le cadre du plan d'action national ecophyto II, était de tester la faisabilité d’une méthodologie intégrée pour la cartographie d’indicateurs d’exposition sur des résolutions spatiales et temporelles fines. Pour illustrer la démarche, la contamination de la population générale est étudiée pour un pesticide (la cyperméthrine) sur la Picardie en considérant les voies d’ingestion (eau, sol, aliments) et d’inhalation (gaz et particules). L’exposition par ingestion et inhalation a été calculée sur la région Picardie pour l’année 2013 pour la population générale. Seules les voies d’ingestion et d’inhalation sont considérée ici, la voie cutanée étant une voie négligeable pour la population générale. De même, dans cette étude pilote, ne sont intégrées et caractérisées que les expositions dont les sources locales proviennent d'usages phytosanitaires, de provenance commerciale et non domestiques. Méthodologie L’approche développe intègre un modèle d’émission, de dispersion atmosphérique, un modèle d’exposition multimédia et un modèle PBPK (Phisiologically Based Pharmaco- Kinetic). Une étape importante du travail de modélisation a consisté à estimer les flux de phytosanitaires émis dans l’air à partir des surfaces agricoles traitées après application des phytosanitaires, afin de fournir un terme d’entrée pour modéliser le transport atmosphérique des substances des zones d’épandage. Pour la dispersion atmosphérique, une méthode innovante de méta-modèle statistique a été développée. Elle repose sur une technique d’apprentissage automatique à partir d’une vaste base de données de simulations sur une parcelle élémentaire. Le méta-modèle a été appliqué dans un deuxième temps aux épandages à une fréquence tri-horaire sur l’ensemble des parcelles agricoles en région Picardie. Des modèles d’exposition multimédia sont nécessaires pour : estimer les flux d’émission liés aux phénomènes de volatilisation du sol et des plantes au niveau des parcelles agricoles; quantifier la contamination des produits alimentaires locaux (hors champ : jardin potager) liée à la proximité des parcelles agricoles; combiner l’exposition externe. La modélisation a été réalisée jusqu’à l’estimation des concentrations internes dans l’ensemble des tissus, organes et fluides intégrés dans les modèles physiologiques PBPK. Les contributions locales spatialisées (inhalation et ingestion de produits alimentaires autoproduits) ont alors été estimées hors champ pour caractériser l’exposition des populations riveraines. Le diagramme conceptuel présentant la chaîne de modélisation de transport et de transfert des contaminants dans les voies d’exposition locales est présenté ci-contre (figure 1). Figure 1 Diagramme conceptuel présentant la chaîne de modélisation du transfert des contaminants dans les voies d’expositions environnementales locales. Résultats Le couplage de modèles numériques et statistiques a permis d’asseoir une base scientifique et technique pour l’intégration, le traitement de données et l’évaluation du transfert des contaminants de l’environnement vers les populations. L’exercice de caractérisation de l’exposition comporte encore de nombreux manques et incertitudes. Ceux-ci dépendent principalement des hypothèses qui sous-tendent les différentes approches de modélisation, de la représentativité et de l’exactitude des données intégrées. On retrouve un nombre élevé de concentrations inférieures aux limites de quantification/ détection dans les bases de données de mesures des compartiments environnementaux (alimentation, eau). La carte ci-dessous (figure 2) présente la DJE (dose journalière d’exposition) totale correspondant au scénario HB pour les produits alimentaires de provenance commerciale. Sur cette carte, seules les contributions alimentaires locales sont apparentes. Les zones où les doses d’exposition sont les plus élevées correspondent à des zones à proximité des parcelles sur lesquelles les épandages sont les plus importants. Ce type d’approche permet d’estimer une dose totale et la contribution relative des différentes voies d’exposition à partir des données populationnelles et des concentrations estimées dans les médias d’exposition. Figure 2. Dose journalière d’exposition totale en ng.kg-1.j-1 intégrant les contributions des ingestions de sol, d’eau, d’aliments de provenance locale > Le rapport Construction d’une méthodologie intégrative de caractérisation de l’exposition spatialisée : application aux pesticides Impact des particules fines sur la santé L’Ineris a contribué à une étude européenne coordonnée par l’Institut Paul Scherrer en Suisse, sur l’impact sanitaire des particules fines. Ses résultats, publiés en 2020 dans la revue Nature, permettent de relier les sources de particules fines à leur potentiel oxydant, donnant ainsi une indication sur leur possible capacité à induire un effet délétère (endommagement des cellules ou des tissus) sur l’organisme humain. L’analyse des résultats montre que les particules des zones urbaines semblent globalement présenter un fort « potentiel oxydant » et seraient ainsi plus nocives pour la santé que celles des zones rurales. Le potentiel oxydant pourrait ainsi être un indicateur afin d’améliorer l’identification et la maîtrise des sources de particules atmosphériques responsables d’impacts sur la santé des populations. Reconnu pour son expertise en chimie de l’atmosphère, l’Ineris a été sollicité pour contribuer à l’analyse de la composition chimique des particules (hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et leurs dérivés oxygénés (quinones) et nitrés) et fournir certaines des données antérieures du programme CARA permettant de valider le modèle de qualité de l’air reliant les sources de pollution et le potentiel oxydant des particules. Dans le cadre d’une veille prospective pour le LCSQA, l’Ineris s’est penché sur la pertinence et les travaux à mener avant de considérer le potentiel oxydant comme un indicateur approprié pour une surveillance de la qualité de l’air intégrant les enjeux sanitaires de manière plus ciblée. * K. R. Daellenbach, et al. "Sources and chemistry of the harmful components in particulate air pollution", Nature, 18 novembre 2020. DOI : 10.1038/s41586-020-2902-8. Étude regroupant une dizaine de partenaires européens dont le Paul Scherrer Institute (PSI), l’université de Bern, the Netherlands Organisation for Applied Scientific Research (TNO), l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE) et l’Ineris. Pour en savoir plus : > Pollution atmosphérique : un nouvel indicateur pour mesurer l'impact sanitaire > Synthèse bibliographique sur les métriques d’évaluation de la toxicité des PM : mesure du potentiel oxydant pour l’évaluation du stress oxydant Exposition individuelle aux particules : étude de cas Dans le domaine de l’exposition aux particules, la communauté scientifique, mais aussi les personnes en responsabilité (autorités, exploitants, services HSE, etc.) aspirent depuis de longues années à disposer de métriques permettant de s’approcher au plus près de l’impact réel sur le vivant. En d’autres termes, si la mesure de la taille, de la concentration en masse ou en nombre, de la composition chimique en métaux, HAP, etc., sont des approches largement reconnues et exploitées, il existe une attente en matière d’évaluation de la réactivité chimique des particules inhalées, et au-delà de leur effet sur le système pulmonaire : le projet TOXinTRANSPORT (Caractérisations TOXicologiques in vitro, chimiques et physiques de particules prélevées dans l’air d’habitacles de TRANSPORT en roulage, 2017-2021) financé par l'Ademe, coordonné par l’Ineris, a pour ambition de travailler dans cette direction. Ce projet se propose d’évaluer l’apport que peuvent représenter les méthodes de caractérisation de la toxicité des particules (PM) en complément de méthodes de caractérisation chimique et physique pour étudier des environnements marqués par des particules de natures différentes. Il s’appliquera au cas des habitacles de transports en roulage (ferroviaires souterrains versus automobiles) ou des souterrains (quais versus parkings souterrains) reconnus pour être des milieux d’exposition à des particules complexes et de natures distinctes. L’objectif est ici d’évaluer comment l’utilisation conjointe de ces méthodes peut permettre de mieux appréhender les effets « cocktail » associés aux particules auxquelles sont susceptibles d’être exposés des individus empruntant et travaillant dans ceux-ci (agents de maintenance et d’exploitation, sous-traitants et salariés dont les activités sont hébergées dans ces lieux). Dans le cadre de ce projet, des tests cellulaires in vitro (e.g. stress oxydant, inflammation) et acellulaires (potentiel oxydant, PO) seront mis en œuvre en combinaison d’une caractérisation chimique et physique, notamment par microscopie, des particules prélevées spécifiquement dans ces différents environnements. Les prélèvements seront réalisés en mobilité ou sur individu dans des habitacles (rames, voiture) ou dans les infrastructures étudiées (quai, parking souterrain). Les résultats de ces caractérisations apporteront des données qui permettront une hiérarchisation des particules prélevées au plus près des voies d’expositions potentielles dans les environnements testés au regard de différents critères (réponses toxicologiques, caractéristiques physiques, chimiques). Ce projet apportera également des éléments complémentaires au projet ANR POLLUSCOPE (2016-2021), relatif à un observatoire participatif en Ile de France pour la surveillance de l’exposition individuelle à la pollution de l’air en lien avec la santé. En effet, dans le cadre de POLLUSCOPE, l’objectif est d'exploiter les capteurs émergents (notamment PM), afin d'évaluer l'exposition individuelle, en mettant en place une infrastructure de collecte et d'analyse. Ainsi, le projet TOXinTRANSPORT pourra caractériser la réponse toxicologique ainsi que les formes physiques et chimiques des particules (PM) dans différents environnements de transports qu’emprunteront les volontaires sélectionnés par POLLUSCOPE. Lors de ces campagnes, le déploiement en parallèle des capteurs de mesures en temps réel des concentrations notamment de PM10 et PM2.5 et carbone suie sélectionnés dans POLLUSCOPE permettront d’affiner les scénarii d’exposition par une analyse des variations spatio-temporelles des concentrations des environnements traversés. Ainsi, le projet TOXinTRANSPORT permettra la construction d’indicateurs d’exposition et de risque cumulé, tenant compte de la contribution des déplacements au niveau individuel. Potentiel toxique des particules de l’air ambiant. Etude in-vitro L’impact négatif sur la santé des particules atmosphériques aux niveaux pulmonaire et cardiovasculaire, est largement reconnu. Cependant, la compréhension de la toxicité (pulmonaire en premier lieu) des particules émises par différentes sources d’émission et les liens existant avec leur composition chimique demandent à être approfondie. Ceci est d’autant plus le cas pour les sources de particules majoritairement impliquées dans les épisodes de pollution observées en France, i.e. la combustion de biomasse en hiver (notamment due au chauffage résidentiel au bois), et les poussières sahariennes impactant les Antilles françaises. La distinction de la part d’effet toxique imputable à la fraction véhiculée par les particules, de celle due aux particules elles-mêmes, demeure un enjeu de recherche majeur. Dans le cas spécifique de la combustion de biomasse, une meilleure compréhension des similarités et différences existantes est nécessaire entre les fumées émises selon les combustibles et/ou les conditions de combustion. De même, la distinction des effets toxiques des émissions primaires et secondaires est à investiguer. L’objectif du projet exploratoire SOTOX (Compréhension de la toxicité pulmonaire des sources majeures contribuant aux épisodes de pollution aux particules) démarré au dernier trimestre 2021 est de réaliser une comparaison du potentiel toxique induit par les sources prépondérantes impliquées lors des épisodes de pollution particulaire observés en France (combustion de biomasse et poussières sahariennes) avec une attention particulière portée sur la toxicité pulmonaire induite par celles-ci. L’originalité des travaux est de proposer une évaluation différenciée du potentiel toxique des PM à partir de tests acellulaires, biologiques (in vitro) et d’une caractérisation chimique étendue sur des échantillons collectés en conditions (quasi-)réelles. Ce travail inclut donc des aspects de chimie atmosphérique, de caractérisation chimique et de toxicologie.
Impacts sanitaires La qualité de l’air représente un enjeu sanitaire majeur compte tenu de la responsabilité de la pollution de l’air dans la prévalence des maladies cardio-respiratoires ou cérébrales et des cancers. Les effets des polluants atmosphériques sont classés en deux groupes : les effets immédiats ou aigus (après une exposition de courte durée) : manifestations cliniques, fonctionnelles ou biologiques qui surviennent dans des délais rapides suite aux variations journalières des niveaux ambiants de pollution atmosphérique. Cela peut se manifester par des irritations oculaires ou des voies respiratoires, des crises d’asthme, une exacerbation de troubles cardio-vasculaires et respiratoires pouvant conduire à une hospitalisation, et dans les cas les plus graves au décès ; les effets à long terme ou chroniques (après des expositions répétées ou continues tout au long de la vie) : les polluants de l’air induisent la survenue et/ou l’accroissement d’effets néfastes pour la santé, pouvant conduire à une surmortalité et une baisse de l’espérance de vie. Ils peuvent dans ce cas être considérés comme une contribution de cette exposition au développement ou à l’aggravation de maladies chroniques telles que : cancers, pathologies cardiovasculaires et respiratoires, troubles neurologiques, troubles du développement, etc. L’exposition chronique à la pollution de l’air conduit aux impacts les plus importants sur la santé. Les personnes vulnérables ou sensibles (enfants, personnes âgées, malades du cœur ou des poumons, asthmatiques) sont les plus exposées aux effets délétères. En octobre 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la pollution de l’air extérieur comme cancérogène certain pour l’homme ; en septembre 2016, elle évalue à 92 % la population mondiale respirant un air ambiant trop pollué. En France, un rapport de la Commission d’enquête du Sénat estime de 70 à 100 milliards d’euros par an le coût de la pollution atmosphérique et Santé Publique France (SPF) a estimé en 2021 que chaque année près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM2.5). L’appareil respiratoire est l’organe cible principal des effets des polluants de l’air. Plusieurs effets peuvent être observés : irritation, toux, gêne, difficultés respiratoires, bronchite, infections pulmonaires, fibrose, cancer…ect. Une part importante de ces effets pulmonaires sont des effets locaux qui surviennent au point de contact avec le polluant à différentes zones de l’appareil respiratoire. Afin de mieux caractériser ces effets, des approches intégratrices utilisant l’ensemble des données disponibles telles que les données issues d’essais in vitro, in silico ou in vivo sont considérées dans une démarche d’évaluation globale. Les méthodes dites « Adverse Outcome Pathway ou AOP » permettent de relier un évènement moléculaire initiateur à un effet néfaste sur les individus et de mieux caractériser les effets sur les individus, et leur développement fait partie du champs de travail des équipes de toxicologues de l’Ineris. L'Ineris contribue également à une meilleure connaissance de l’évaluation des transferts entre les compartiments environnementaux dont l’air. L’Ineris, acteur central de l’évaluation des risques sanitaires, contribue également à améliorer les connaissances autour de l'exposition globale aux substances et agents chimiques en fonction des niveaux de contribution et des contributeurs (sources industrielles et sites pollués qui peuvent engendrer une contamination de l’air). Cette connaissance permet, en cohérence avec le concept d'exposome, l'évaluation du risque et la priorisation des actions de réduction de l'exposition. L’Évaluation des Risques Sanitaires (ERS) est une démarche visant à décrire et quantifier les risques sanitaires consécutifs à l’exposition de personnes à des substances toxiques. Elle s’applique depuis 2000 à l’analyse des effets potentiels liés à la toxicité des substances chimiques émises par les ICPE dans leur environnement. L’évaluation des risques liés aux substances chimiques pour la santé prévoit quatre étapes : l’identification des dangers; l’évaluation de la relation dose-réponse; l’évaluation de l’exposition; la caractérisation des risques. L’évaluation des risques sanitaires est une évaluation prospective qui apporte des éléments de prédiction des risques sur la base d’hypothèses d’émissions et d’expositions. Le volet “air” des études d’évaluation de risques sanitaires est plus ou moins important en fonction des situations. L’outil de référence développé par l’Ineris pour la modélisation des multiexpositions aux substances chimiques dans l’environnement, dans un contexte d’évaluation des risques sanitaires à l’échelle d’un site est le logiciel MODUL’ERS. L’Institut met à disposition des outils et méthodologies qu’il développe pour la caractérisation et la spatialisation des inégalités territoriales d’exposition aux stresseurs environnementaux dont la pollution atmosphérique. A ce titre, il propose et construit des indicateurs intégrés d’exposition environnementale tant sur l’exposition externe (cumul d’exposition à des facteurs environnementaux) qu’interne (doses à l’organe cible ou doses internes), en particulier dans le cadre du suivi des plans nationaux santé-environnement. > Le dossier "Inégalité environnementales" Les travaux de l’Ineris sur l’évaluation de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique portent à la fois sur la déclinaison de méthode d’évaluation multi-milieux des risques sanitaires associés aux expositions par ingestion et par inhalation (voire par contact cutané) en fonction des sources et des substances, et également sur la qualification des effets sur la santé des particules fines et de leurs composés chimiques. Discriminer les effets en fonction de la composition chimique et de la taille des particules est un champ de recherche encore ouvert, qui est susceptible à long terme de faire évoluer les stratégies de réduction des émissions s’il était démontré le besoin de se concentrer sur des composés plus particuliers. Néanmoins en septembre 2021 l’organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé l’importance de cibler les particules PM10 et PM2.5 dans les stratégies de réduction des exposition en fixant des valeurs guides sur les concentrations massiques de ces composés agrégés sans préjuger de leur composition chimique. Caractérisation de l’exposition environnementale spatialisée à un pyréthrinoïde en Picardie Les expositions aux pesticides se caractérisent par la multiplicité des voies d’exposition (alimentation, eau, sol, air) liée à leur présence dans l’ensemble des milieux environnementaux. Pour une caractérisation fine des expositions environnementales, un premier verrou réside dans la capacité à rassembler au sein d’un même système d’analyse un ensemble de données combinant le mode de vie des populations et la contamination locale des milieux environnementaux sur des résolutions spatiales appropriées et des territoires étendus. Dans le cadre de cette étude pilote, l’objectif du projet CartoExpo, financé dans le cadre du plan d'action national ecophyto II, était de tester la faisabilité d’une méthodologie intégrée pour la cartographie d’indicateurs d’exposition sur des résolutions spatiales et temporelles fines. Pour illustrer la démarche, la contamination de la population générale est étudiée pour un pesticide (la cyperméthrine) sur la Picardie en considérant les voies d’ingestion (eau, sol, aliments) et d’inhalation (gaz et particules). L’exposition par ingestion et inhalation a été calculée sur la région Picardie pour l’année 2013 pour la population générale. Seules les voies d’ingestion et d’inhalation sont considérée ici, la voie cutanée étant une voie négligeable pour la population générale. De même, dans cette étude pilote, ne sont intégrées et caractérisées que les expositions dont les sources locales proviennent d'usages phytosanitaires, de provenance commerciale et non domestiques. Méthodologie L’approche développe intègre un modèle d’émission, de dispersion atmosphérique, un modèle d’exposition multimédia et un modèle PBPK (Phisiologically Based Pharmaco- Kinetic). Une étape importante du travail de modélisation a consisté à estimer les flux de phytosanitaires émis dans l’air à partir des surfaces agricoles traitées après application des phytosanitaires, afin de fournir un terme d’entrée pour modéliser le transport atmosphérique des substances des zones d’épandage. Pour la dispersion atmosphérique, une méthode innovante de méta-modèle statistique a été développée. Elle repose sur une technique d’apprentissage automatique à partir d’une vaste base de données de simulations sur une parcelle élémentaire. Le méta-modèle a été appliqué dans un deuxième temps aux épandages à une fréquence tri-horaire sur l’ensemble des parcelles agricoles en région Picardie. Des modèles d’exposition multimédia sont nécessaires pour : estimer les flux d’émission liés aux phénomènes de volatilisation du sol et des plantes au niveau des parcelles agricoles; quantifier la contamination des produits alimentaires locaux (hors champ : jardin potager) liée à la proximité des parcelles agricoles; combiner l’exposition externe. La modélisation a été réalisée jusqu’à l’estimation des concentrations internes dans l’ensemble des tissus, organes et fluides intégrés dans les modèles physiologiques PBPK. Les contributions locales spatialisées (inhalation et ingestion de produits alimentaires autoproduits) ont alors été estimées hors champ pour caractériser l’exposition des populations riveraines. Le diagramme conceptuel présentant la chaîne de modélisation de transport et de transfert des contaminants dans les voies d’exposition locales est présenté ci-contre (figure 1). Figure 1 Diagramme conceptuel présentant la chaîne de modélisation du transfert des contaminants dans les voies d’expositions environnementales locales. Résultats Le couplage de modèles numériques et statistiques a permis d’asseoir une base scientifique et technique pour l’intégration, le traitement de données et l’évaluation du transfert des contaminants de l’environnement vers les populations. L’exercice de caractérisation de l’exposition comporte encore de nombreux manques et incertitudes. Ceux-ci dépendent principalement des hypothèses qui sous-tendent les différentes approches de modélisation, de la représentativité et de l’exactitude des données intégrées. On retrouve un nombre élevé de concentrations inférieures aux limites de quantification/ détection dans les bases de données de mesures des compartiments environnementaux (alimentation, eau). La carte ci-dessous (figure 2) présente la DJE (dose journalière d’exposition) totale correspondant au scénario HB pour les produits alimentaires de provenance commerciale. Sur cette carte, seules les contributions alimentaires locales sont apparentes. Les zones où les doses d’exposition sont les plus élevées correspondent à des zones à proximité des parcelles sur lesquelles les épandages sont les plus importants. Ce type d’approche permet d’estimer une dose totale et la contribution relative des différentes voies d’exposition à partir des données populationnelles et des concentrations estimées dans les médias d’exposition. Figure 2. Dose journalière d’exposition totale en ng.kg-1.j-1 intégrant les contributions des ingestions de sol, d’eau, d’aliments de provenance locale > Le rapport Construction d’une méthodologie intégrative de caractérisation de l’exposition spatialisée : application aux pesticides Impact des particules fines sur la santé L’Ineris a contribué à une étude européenne coordonnée par l’Institut Paul Scherrer en Suisse, sur l’impact sanitaire des particules fines. Ses résultats, publiés en 2020 dans la revue Nature, permettent de relier les sources de particules fines à leur potentiel oxydant, donnant ainsi une indication sur leur possible capacité à induire un effet délétère (endommagement des cellules ou des tissus) sur l’organisme humain. L’analyse des résultats montre que les particules des zones urbaines semblent globalement présenter un fort « potentiel oxydant » et seraient ainsi plus nocives pour la santé que celles des zones rurales. Le potentiel oxydant pourrait ainsi être un indicateur afin d’améliorer l’identification et la maîtrise des sources de particules atmosphériques responsables d’impacts sur la santé des populations. Reconnu pour son expertise en chimie de l’atmosphère, l’Ineris a été sollicité pour contribuer à l’analyse de la composition chimique des particules (hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et leurs dérivés oxygénés (quinones) et nitrés) et fournir certaines des données antérieures du programme CARA permettant de valider le modèle de qualité de l’air reliant les sources de pollution et le potentiel oxydant des particules. Dans le cadre d’une veille prospective pour le LCSQA, l’Ineris s’est penché sur la pertinence et les travaux à mener avant de considérer le potentiel oxydant comme un indicateur approprié pour une surveillance de la qualité de l’air intégrant les enjeux sanitaires de manière plus ciblée. * K. R. Daellenbach, et al. "Sources and chemistry of the harmful components in particulate air pollution", Nature, 18 novembre 2020. DOI : 10.1038/s41586-020-2902-8. Étude regroupant une dizaine de partenaires européens dont le Paul Scherrer Institute (PSI), l’université de Bern, the Netherlands Organisation for Applied Scientific Research (TNO), l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE) et l’Ineris. Pour en savoir plus : > Pollution atmosphérique : un nouvel indicateur pour mesurer l'impact sanitaire > Synthèse bibliographique sur les métriques d’évaluation de la toxicité des PM : mesure du potentiel oxydant pour l’évaluation du stress oxydant Exposition individuelle aux particules : étude de cas Dans le domaine de l’exposition aux particules, la communauté scientifique, mais aussi les personnes en responsabilité (autorités, exploitants, services HSE, etc.) aspirent depuis de longues années à disposer de métriques permettant de s’approcher au plus près de l’impact réel sur le vivant. En d’autres termes, si la mesure de la taille, de la concentration en masse ou en nombre, de la composition chimique en métaux, HAP, etc., sont des approches largement reconnues et exploitées, il existe une attente en matière d’évaluation de la réactivité chimique des particules inhalées, et au-delà de leur effet sur le système pulmonaire : le projet TOXinTRANSPORT (Caractérisations TOXicologiques in vitro, chimiques et physiques de particules prélevées dans l’air d’habitacles de TRANSPORT en roulage, 2017-2021) financé par l'Ademe, coordonné par l’Ineris, a pour ambition de travailler dans cette direction. Ce projet se propose d’évaluer l’apport que peuvent représenter les méthodes de caractérisation de la toxicité des particules (PM) en complément de méthodes de caractérisation chimique et physique pour étudier des environnements marqués par des particules de natures différentes. Il s’appliquera au cas des habitacles de transports en roulage (ferroviaires souterrains versus automobiles) ou des souterrains (quais versus parkings souterrains) reconnus pour être des milieux d’exposition à des particules complexes et de natures distinctes. L’objectif est ici d’évaluer comment l’utilisation conjointe de ces méthodes peut permettre de mieux appréhender les effets « cocktail » associés aux particules auxquelles sont susceptibles d’être exposés des individus empruntant et travaillant dans ceux-ci (agents de maintenance et d’exploitation, sous-traitants et salariés dont les activités sont hébergées dans ces lieux). Dans le cadre de ce projet, des tests cellulaires in vitro (e.g. stress oxydant, inflammation) et acellulaires (potentiel oxydant, PO) seront mis en œuvre en combinaison d’une caractérisation chimique et physique, notamment par microscopie, des particules prélevées spécifiquement dans ces différents environnements. Les prélèvements seront réalisés en mobilité ou sur individu dans des habitacles (rames, voiture) ou dans les infrastructures étudiées (quai, parking souterrain). Les résultats de ces caractérisations apporteront des données qui permettront une hiérarchisation des particules prélevées au plus près des voies d’expositions potentielles dans les environnements testés au regard de différents critères (réponses toxicologiques, caractéristiques physiques, chimiques). Ce projet apportera également des éléments complémentaires au projet ANR POLLUSCOPE (2016-2021), relatif à un observatoire participatif en Ile de France pour la surveillance de l’exposition individuelle à la pollution de l’air en lien avec la santé. En effet, dans le cadre de POLLUSCOPE, l’objectif est d'exploiter les capteurs émergents (notamment PM), afin d'évaluer l'exposition individuelle, en mettant en place une infrastructure de collecte et d'analyse. Ainsi, le projet TOXinTRANSPORT pourra caractériser la réponse toxicologique ainsi que les formes physiques et chimiques des particules (PM) dans différents environnements de transports qu’emprunteront les volontaires sélectionnés par POLLUSCOPE. Lors de ces campagnes, le déploiement en parallèle des capteurs de mesures en temps réel des concentrations notamment de PM10 et PM2.5 et carbone suie sélectionnés dans POLLUSCOPE permettront d’affiner les scénarii d’exposition par une analyse des variations spatio-temporelles des concentrations des environnements traversés. Ainsi, le projet TOXinTRANSPORT permettra la construction d’indicateurs d’exposition et de risque cumulé, tenant compte de la contribution des déplacements au niveau individuel. Potentiel toxique des particules de l’air ambiant. Etude in-vitro L’impact négatif sur la santé des particules atmosphériques aux niveaux pulmonaire et cardiovasculaire, est largement reconnu. Cependant, la compréhension de la toxicité (pulmonaire en premier lieu) des particules émises par différentes sources d’émission et les liens existant avec leur composition chimique demandent à être approfondie. Ceci est d’autant plus le cas pour les sources de particules majoritairement impliquées dans les épisodes de pollution observées en France, i.e. la combustion de biomasse en hiver (notamment due au chauffage résidentiel au bois), et les poussières sahariennes impactant les Antilles françaises. La distinction de la part d’effet toxique imputable à la fraction véhiculée par les particules, de celle due aux particules elles-mêmes, demeure un enjeu de recherche majeur. Dans le cas spécifique de la combustion de biomasse, une meilleure compréhension des similarités et différences existantes est nécessaire entre les fumées émises selon les combustibles et/ou les conditions de combustion. De même, la distinction des effets toxiques des émissions primaires et secondaires est à investiguer. L’objectif du projet exploratoire SOTOX (Compréhension de la toxicité pulmonaire des sources majeures contribuant aux épisodes de pollution aux particules) démarré au dernier trimestre 2021 est de réaliser une comparaison du potentiel toxique induit par les sources prépondérantes impliquées lors des épisodes de pollution particulaire observés en France (combustion de biomasse et poussières sahariennes) avec une attention particulière portée sur la toxicité pulmonaire induite par celles-ci. L’originalité des travaux est de proposer une évaluation différenciée du potentiel toxique des PM à partir de tests acellulaires, biologiques (in vitro) et d’une caractérisation chimique étendue sur des échantillons collectés en conditions (quasi-)réelles. Ce travail inclut donc des aspects de chimie atmosphérique, de caractérisation chimique et de toxicologie.