Les phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués

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La réhabilitation des sites pollués, c’est-à-dire leur dépollution pour en permettre un nouvel usage, est aujourd’hui un enjeu important compte tenu du nombre de situations héritées du passé et de la pression foncière croissante. Fort d’une expérience de longue date, l’Ineris étudie les performances des phytotechnologies, techniques qui utilisent les propriétés des plantes pour agir sur les polluants présents dans le sol.

Les phytotechnologies appliquées à la gestion des sites pollués regroupent un ensemble de techniques qui utilisent in situ des espèces végétales pour, selon les cas, contenir ou extraire les métaux, ou bien encore dégrader les polluants organiques présents dans les sols (ex : hydrocarbures).

La pollution des sols par les activités anthropiques est reconnue comme une question environnementale depuis les années 1990. En France, la base de données BASIAS dresse l’inventaire des anciens sites industriels et des activités de service pouvant éventuellement être à l’origine de pollutions. Elle recense environ 260 000 sites susceptibles d’être pollués. Ces pollutions peuvent avoir des conséquences sur la santé humaine et sur l’environnement (contamination de la ressource en eau, impact sur les écosystèmes…). En parallèle, la pression foncière renforce le besoin de réhabiliter les sites pollués. La loi ALUR, votée en 2014, a par ailleurs modifié et renforcé les règles pour faciliter cette réhabilitation en fonction de l’usage.

Les phytotechnologies regroupent différentes techniques de gestion de la pollution

La phytostabilisation est un mode de gestion par lequel des espèces végétales, éventuellement en combinaison avec des amendements minéraux ou organiques (on parle alors de phytostabilisation aidée), réduisent la mobilité des métaux (zinc, cadmium…) dans le sol et limitent leur transfert dans l’environnement. Cette technique limite les transferts de contaminants dans l’environnement, que ce soit leur migration dans les eaux souterraines ou l’envol de poussières.

La phytoextraction est un mode de gestion fondé sur l’usage d’espèces végétales qui, en accumulant les métaux dans leurs parties aériennes récoltables (par exemple leurs feuilles), permettent de réduire les concentrations de polluants dans les sols. La dépollution reste cependant partielle, car elle ne concerne que la fraction de polluant assimilable par les espèces végétales.

Enfin, la phyto/rhizodégradation est une technique utilisant les plantes et les microorganismes associés pour dégrader les polluants organiques.

On parle aujourd’hui de phytomanagement lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre l’une ou l’autre de ces phytotechnologies. Ce concept rappelle qu’il s’agit bien d’une gestion de la pollution sur le long terme, même si une dépollution partielle peut être obtenue, ou de ce qui en découle (gestion du foncier, de la biomasse produite ; valorisation écologique…).

Les phytotechnologies ont longtemps été mises en opposition avec les techniques de dépollution classiques sur site et hors site auxquelles on pouvait reprocher, selon les cas, leur coût, l’occupation d’espace lorsqu’il s’agit de stocker les terres polluées en centre d’enfouissement, ou bien encore la dégradation du sol et de ses fonctions (fertilité, support à la biodiversité souterraine…). Aujourd’hui, les phytotechnologies viennent en complément des techniques dites classiques. Le choix des technologies à mettre en œuvre dépend de nombreux critères et de la situation propre à chaque site pollué.

Les phytotechnologies sont perçues comme des techniques de réhabilitation « douces » qui permettent de maîtriser la pollution tout en apportant différents impacts positifs, notamment en termes de biodiversité, de propriétés des sols et d’amélioration du cadre de vie. Elles soulèvent cependant un certain nombre de questions qui font actuellement l’objet de travaux de recherche appliquée portant sur :
-    l’évaluation sur le long terme de la maîtrise de la pollution du sol ;
-    la gestion des terres polluées in situ dans le cadre d’un aménagement urbain en lien avec l’amélioration du cadre de vie ;
-    le devenir et la valorisation de la biomasse pouvant contenir des polluants du sol.

Une expertise au service des technologies propres

Evaluer l’efficacité des phytotechnologies passe notamment par la conduite de projets sur le terrain, où ces techniques sont mises en œuvre sur des sites « pilotes » et testées pendant plusieurs années. L’Institut a mis en place ou contribue au suivi de plusieurs expériences pilotes (de la parcelle à plusieurs hectares). Ces dispositifs expérimentaux sont complétés par des travaux au laboratoire où l’action des plantes et des microorganismes sur les polluants peut être étudiée en conditions contrôlées.

L’Ineris a développé son expertise sur les phytotechnologies ces quinze dernières années, notamment via son implication dans des projets de recherche nationaux et européens qui favorisent l’échange d’expériences et la définition de méthodologies partagées en matière d’aide à la décision pour la gestion des sites et sols pollués par le phytomanagement. L’Ineris a notamment été partenaire du projet FP7 « Greenland » 2011-2014 et participe actuellement au projet Interreg NewCLand 2017-2021.

L’Institut met également son expertise en matière de sites et sols pollués au service de l’État, des collectivités et des industriels dans l’accompagnement des technologies propres. A ce titre, l’Ineris évalue les performances des phytotechnologies. L’enjeu de ces travaux est de vérifier la faisabilité, l’efficacité et la pérennité de ces techniques. Il s’agit également d’étudier comment valoriser la biomasse issue des terrains où ces technologies sont mises en œuvre. Ces travaux mobilisent différentes spécialités au sein de l’Institut : biologie végétale, métrologie (sol, air, plantes, déchets), écotoxicologie, évaluation des risques, économie et différents moyens d’essai (laboratoire : chambre de culture, moyens analytiques ; pilote : chaudière biomasse, méthaniseur).

Des aménagements sur le terrain et des guides opérationnels pour favoriser le transfert de connaissance vers les acteurs de la filière

Le recours aux phytotechnologies est souvent évoqué lors des opérations de réhabilitation de friches industrielles ou urbaines.
Ces techniques sont plutôt bien perçues par les gestionnaires et opérateurs des sites pollués. Elles restent toutefois encore émergentes sur les marchés des techniques de gestion des sites et sols pollués, notamment du fait de la logique court terme très souvent associée à la pression foncière, ou bien encore par manque de recul opérationnel et d’informations sur les possibilités de valorisation de la biomasse produite et les coûts et bénéfices associés.
Pourtant, des expérimentations sur l’ensemble du territoire permettent aujourd'hui de disposer de retours d’expérience dans différentes situations de pollution et de donner une vision concrète des apports et limites des différentes solutions appliquées sur le terrain.
L’Ineris a piloté en collaboration avec l’Ademe et plusieurs laboratoires de recherche, la rédaction de deux guides de mise en œuvre et de retour d’expériences : le guide « Phytotechnologies appliquées aux sites et sols pollués » paru en mars 2017, vient compléter un premier guide réalisé en 2012, qui présentait les techniques de phytotechnologies. Ce nouveau guide est le fruit de la collaboration de l’Ademe, l’Ineris, l’Isa-Lille et Mines Saint Etienne. Il fait le point sur les résultats récents de recherche et d’expérimentation en phytoextraction et phytostabilisation.
Recueils à vocation opérationnelle pour la mise en œuvre concrète de projet de réhabilitation, ils sont à usage des utilisateurs potentiels et prescripteurs des phytotechnologies. Les guides présentent notamment des outils d’aide à la décision simples qui permettent aux aménageurs de déterminer la faisabilité des phytotechnologies appliquées à leurs projets et de choisir les techniques les mieux adaptées.

 


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Maîtriser la pollution des sols sur le long terme

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Reconquérir les friches urbaines

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Valoriser la biomasse produite par phytomanagement