Changement climatique et qualité de l’air : focus sur les particules fines

Les liens entre changement climatique et qualité de l’air sont multiples, et influencent aussi bien les stratégies d’atténuation (politiques de gestion) que d’adaptation (impacts futurs du changement climatique). Notamment, ils interrogent sur l’impact du climat futur qui pourrait être tel que les stratégies actuelles d’amélioration de la qualité de l’air deviennent insuffisantes.

Sur le plan de l’atténuation, les sources anthropiques de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques sont souvent les mêmes. Les mesures de gestion visant à améliorer la qualité de l’air ou à atténuer le changement climatique auront donc en général des effets partagés, qui peuvent constituer des cobénéfices ou des effets contradictoires. Il y a des cobénéfices très importants à rechercher, notamment en ce qui concerne les mesures d’efficacité énergétique. Mais il y a aussi des antagonismes : le diesel ou le recours au chauffage domestique au bois en sont deux exemples bien connus.

Certains polluants contribuent aussi à l’effet de serre (carbone suie, ozone). Cibler ces substances permet d’optimiser les cobénéfices. D’autant qu’ils ont souvent une durée de vie dans l’atmosphère inférieure à celle du CO2, et pourraient donc avoir un effet à plus court terme. On parle d’ailleurs de polluants climatiques à courte durée de vie. Le changement climatique conduit par ailleurs à la modification des phénomènes météorologiques régissant l’évolution des polluants dans l’atmosphère. L’été, l’augmentation de la fréquence et/ou de la sévérité des vagues de chaleur renforce la pollution à l’ozone. On parle de pénalité climatique, son importance est à présent bien documentée. Elle est d’autant plus préoccupante qu’elle est du même ordre que l’évolution récente de la pollution à l’ozone malgré des efforts substantiels sur les réductions d’émissions.

Pour les particules, la situation est plus complexe notamment car le changement climatique peut avoir une influence différente pour les différents types d’aérosols (organique, inorganiques, d’origine biotique ou anthropique, poussières minérales, etc.). L’Ineris a effectué des travaux de recherche visant à mieux cerner cet effet.

Méthodologie

L’analyse repose sur la chaîne de modélisation qualité de l’air & climat développée à l’Ineris dans le cadre d’un projet de recherche (SALUT’AIR). Cette chaîne est constituée de quatre modèles : le modèle de système terre de l’IPSL qui contribue aux analyses du GIEC, un modèle de chimie troposphérique globale (INCA), un modèle de climat régional (WRF) et le modèle de qualité de l’air CHIMERE codéveloppé par l’Ineriset le CNRS. Plusieurs centaines d’années ont été modélisées avec ces outils afin de couvrir l’évolution du climat au cours du XXIe siècle, mais aussi pour explorer diverses études de sensibilité.

Résultats

En regardant tout d’abord le seul effet du changement climatique (figure 1), c’est-à-dire l’impact du réchauffement mais aussi les modifications qui en découlent pour les autres paramètres météorologiques d’importance pour la qualité de l’air, on constate un effet notable pour les aérosols organiques secondaires formés à partir d’émissions biotiques (BSOA). Non seulement ces émissions augmentent sous l’effet du réchauffement (et conduisent aussi à la formation d’ozone), mais le mécanisme de formation des BSOA est aussi favorisé. La formation du sulfate (SO4 2-) est, elle, favorisée par l’humidité plus importante, mais à l’inverse d’autres aérosols inorganiques tels que le nitrate (NO3) ou l’ammonium (NH4+) seront moins abondants dans un climat plus chaud, à cause de leur volatilisation.

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Figure 1 - Concentration (haut) et évolution relative à l’historique (bas) des aérosols contribuant au total de particules fines pour les différents scénarios climatiques (RCP2.6, RCP4.5 et RCP8.5 par ordre croissant d’émissions de gaz à effet de serre). Droite : influence relative (%) du climat (Climate), de la pollution hémisphérique (Boundary), des émissions européennes (Emissions) et de l’ensemble des facteurs (All) sur les différents aérosols.

 

Une légère baisse est identifiée pour les poussières désertiques, mais il n’a pas été possible de l’associer à un paramètre météorologique unique, d’autant que notre étude ne prenait pas en compte la question de l’évolution des sols qui jouera un rôle essentiel à l’avenir et mériterait un focus particulier.
Trois facteurs principaux risquant d’influer l’évolution à long terme de la qualité de l’air ont été isolés par une approche de sensibilité : le changement climatique, la pollution hémisphérique et les émissions européennes (figure 2). Le facteur dominant est clairement lié aux émissions de polluants en Europe. La contribution la plus importante de la pollution hémisphérique concerne les poussières désertiques.

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Figure 2. Influence relative (%) du climat (Climate), de la pollution hémisphérique (Boundary), des émissions européennes (Emissions) et de l’ensemble des facteurs (All) sur les différents aérosols.

 

L’importance de l’effet du changement climatique pour les aérosols organiques a motivé la réalisation des travaux complémentaires où une version plus complexe du modèle d’aérosols de CHIMERE a été développée et testée dans un contexte de changement climatique.