Ozone à l’été 2019 : quel rôle ont joué les émissions industrielles et le transport routier ?

Durant les épisodes de l’été 2019, la France aura été exposée à des concentrations supérieures au seuil d’information et recommandation pendant 26 jours, faisant de 2019 l’une des années les plus polluées à l’ozone depuis 2003. L’Ineris a effectué des simulations afin de comprendre la dynamique de ces épisodes et la contribution des différentes sources d’émission et objectiver l’impact des mesures de réduction appliquées à ces sources.

Durant les épisodes d’ozone de l’été 2019, la France a été exposée pendant 26 jours (non consécutifs) à des concentrations supérieures au seuil d’information et recommandation : 252 dépassements du seuil de 180µg/m3 en moyenne horaire ont été enregistrés dans la plupart des régions métropolitaines. Quelques dépassements du seuil d’alerte (8) ont également été observés, lors du premier épisode de pollution intervenu fin juin.
Deux épisodes d’ampleur importante ont eu lieu de juin à août : le premier entre le 20 juin et le 9 juillet, le second entre le 20 et le 28 juillet. Du 22 et 28 août, un épisode de moindre importance a également été observé dans le nord du pays.

Cartographie des concentrations maximums journalières d'ozone en ug/m3 du 25 au 30 juin 2019

Cartographie des concentrations maximums journalières d'ozone en ug/m3 du 25 au 30 juin 2019

Afin de caractériser le rôle et la contribution des différents secteurs d’activité, pour expliquer ces hauts niveaux de concentrations d’ozone, la réponse des modèles de qualité de l’air mis en œuvre dans PREV’AIR (CHIMERE et MOCAGE) à différents scénarios de réduction d’émissions, a été analysée sur la période s’étendant entre le 25 et le 29 juin (i.e. considérant qu’aucune réduction d’émission n’a été mise en œuvre en amont de cette période).

Trois scénarios théoriques (théoriques car ne représentant pas de réduction réaliste correspondant à des mesures politiques) ont été définis, en se focalisant sur les deux principaux secteurs émetteurs des précurseurs de l’ozone :
•    30% de réduction des émissions liées au trafic routier ;
•    30% de réduction des activités industrielles ;
•    réduction conjointe de 30% des émissions du trafic et des activités industrielles.
De manière générale, ces 3 scénarios conduisent à une réduction des concentrations d’ozone.

Le rôle significatif du phénomène de « titration »

Le scénario « réduction des émissions liées au trafic routier » souligne un comportement particulier sur des grandes agglomérations, comme Paris et Lyon, où la réduction des émissions s’accompagne d’un accroissement des concentrations d’ozone. Cette évolution résulte d’un phénomène bien connu, la diminution de la titration. La titration est un phénomène principalement nocturne de destruction d’ozone par les oxydes d’azote, dans les zones où ils sont émis en grande quantité (alors qu’ils favorisent la production d’ozone le jour). Du fait de la baisse de disponibilité des oxydes d’azote dans ce scénario par rapport aux émissions de référence, la titration (et destruction) de l’ozone nocturne ne peut plus s’opérer et induit des hausses localisées de concentrations.

La diminution de la titration est également responsable de la hausse des concentrations dans d’autres zones fortement émettrices, comme le Bénélux et les Hauts de France. Dans les zones où les émissions d’oxydes d’azote sont moins importantes, notamment les zones rurales, le scénario « réduction des émissions du trafic » a un impact très bénéfique avec des réductions de concentration d’ozone avoisinant 10 µg/m3. La réduction des émissions liées aux activités industrielles a globalement un impact plus limité. L’augmentation d’ozone imputable à la titration est visible sur les régions industrialisées comme les Hauts de France et le Benelux, mais elle n’apparaît plus sur les zones urbaines, où les émissions industrielles sont plus faibles.

Les effets d’une réduction combinée des émissions des deux secteurs d’activité (trafic et industriel) sont partout exacerbés, selon le modèle CHIMERE : les effets de diminution des concentrations sont accentués sur une majeure partie du pays, montrant l’intérêt d’agir sur tous les secteurs en même temps, malgré l’augmentation des concentrations dans quelques grandes agglomérations (du fait de la diminution de l’effet de titration).

Les seuils et les valeurs cibles européens pour l’ozone

L’ozone se caractérise par ses effets sanitaires de long terme et de court terme. De ce fait, la directive concernant la qualité de l’air et un air pur pour l’Europe (2008/50/EC) , transposée dans la réglementation française, fixe un seuil d’information et de recommandation à 180 ug/m3 en moyenne horaire et un seuil d’alerte à 240 ug/m3. Elle fixe également des valeurs cibles pour la protection de la santé humaine et des écosystèmes, soit respectivement :

  • le maximum journalier de la moyenne sur 8 heures glissante des concentrations d’ozone ne doit pas dépasser 120 µg/m3 plus de 25 jours par an ;
  • l’AOT40(1) ne doit pas excéder 18 000 µg/m3.h en moyenne sur 5 ans.

Les objectifs de long terme imposent que le seuil de 120 µg/m3 ne soit jamais dépassé, et que l’AOT40 se limite à 6000 µg/m3.h.

L’efficacité de PREV’AIR, système de prévision unique en Europe

PREV’AIR est le système national de prévision de la qualité de l’air, mis en place par l’Ineris suite aux épisodes ozone de 2003, en collaboration avec le CNRS, Météo France et l’ADEME. Depuis lors, PREV’AIR fournit quotidiennement des prévisions d’ozone, de dioxyde d’azote et de particules sur la France métropolitaine, ainsi que des cartographies « analysées » basées sur la combinaison de résultats de modélisation et des observations réalisées par les AASQA. Il s’agit certainement de la meilleure représentation cartographique des niveaux de concentration que l’on puisse élaborer. Le savoir-faire acquis par l’Ineris dans le domaine de la prévision et de la simulation de la qualité de l’air est reconnu en France, comme en Europe. En effet, les équipes de l’Ineris et de Météo France assurent le leadership des services européens de prévision et de surveillance de la qualité de l’air, mis en place dans le cadre du programme COPERNICUS. Durant l’été 2016, PREV’AIR a rempli sa mission de prévision des niveaux de concentration avec un taux de fiabilité tout à fait satisfaisant.

 

(1) AOT40 (exprimé en μg/m3 par heure), signifie la somme des différences entre les concentrations horaires supérieures à 80 μg/m3 (= 40 parties par milliard) de mai à juillet en utilisant uniquement les valeurs sur une heure, mesurées quotidiennement entre 8h00 et 20h00 (heure de l’Europe centrale).