Zoom sur la recherche scientifique à l’Ineris

Les citoyens s’inquiètent d’un possible impact des champs électromagnétiques sur leur santé. Les effets peuvent alors être directs (troubles biologiques) et/ou indirects (déclenchement d’un incendie, une explosion…). Parmi les risques potentiels, celui de l’hyperthermie est démontré à forte intensité ; d’autres sont étudiés, notamment celui de cancer qui ressort dans les études épidémiologiques et celui d’une possible sensibilité électromagnétique accrue ; ils dépendront naturellement de la nature et de l’intensité de l’exposition. Les champs électromagnétiques, émis par les lignes à haute tension, les antennes relais et la téléphonie mobile, peuvent inquiéter. De nombreuses études scientifiques, nationales ou européennes, sont en cours pour approfondir le sujet mais un consensus n’a pas encore été obtenu. L’Ineris, grâce à sa double compétence en physique et en toxicologie, a participé à de nombreux travaux et continue, à travers ses recherches, d’alimenter les données collectées au fil du temps.

De multiples travaux scientifiques à l’Ineris visent à étudier les effets des champs électromagnétiques sur la santé, ainsi que les mécanismes possibles sous-jacents. Mieux comprendre les modes d’actions et les effets, en particulier sur le système nerveux, est le fer de lance de telles études expérimentales. Ces travaux font l’objet de sujets de thèse pour les doctorants encadrés par les chercheurs de l’Ineris. Une unité mixte de recherche, PeriTox, est constituée depuis 2008 avec l’université de Picardie Jules-Verne (UPJV) à Amiens pour étudier ces sujets, permettant de renforcer les ressources grâce aux synergies régionales. Une collaboration de proximité existe aussi pour la mesure et la caractérisation des expositions avec le Centre technique national des industries mécaniques (CETIM) à Senlis. Une partie de ces projets reçoit le soutien de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et de la Commission Européenne ; des subventions régionales (Picardie puis Hauts-de-France) contribuent également à ces projets.

Des travaux sur l’équilibre énergétique

Il y a quelques années, l’Institut a piloté un projet de recherche ANTHOMEO sur l’équilibre énergétique destiné à identifier un effet potentiel des champs électromagnétiques sur la structure du sommeil. Un léger effet d’une exposition répétée a été observé sur le sommeil, mais il est surtout apparu que les ondes RF produisent une réaction similaire à une réponse au froid. Les voies biologiques impliquées dans cet effet sont en cours d’étude. Le projet MOTHERR (financé par l’Anses), mené en collaboration avec l’université de Bordeaux, l’université de La Sapienza à Rome et l’institut Mines-Télécom, vise à établir un modèle en dynamique moléculaire du récepteur TRPM-8, ou d’autres récepteurs de la famille TRP (Transient receptor potential), exposés à un champ électromagnétique radiofréquence. Un modèle, précisé par les résultats d’études expérimentales pharmacologiques, biochimiques et physiologiques in vivo et in vitro, explorera l’influence de différents paramètres de l’exposition (tels que les nouvelles technologies : LTE ou 4G, 5G…) qui pourront à leur tour faire l’objet de confirmations expérimentales. L’intérêt est de préciser les voies biologiques impliquées et de déterminer un seuil de sensibilité et les paramètres efficaces d’un effet sur la régulation thermique. Le projet européen GOLIAT, financé par le programme de recherche communautaire Horizon Europe et dans lequel l’Ineris est également impliqué, permettra de préciser ces paramètres, et de rechercher d’éventuelles conséquences sanitaires des premiers effets observés, notamment sur la perception thermique et l’alimentation en ambiance chaude.

L’étude des effets des radiofréquences sur la neurotoxicité et de la reprotoxicité

L’Ineris a mené également des travaux de recherche, afin d’évaluer l’éventuelle influence des ondes radiofréquences émises par le téléphone portable sur le système nerveux central. Les projets Inflaref (2010-2013) et Neurogenese (2017-2020), financés par l’Anses, en collaboration avec l’université d’Orléans et le Centre national public de la santé de Hongrie à Budapest, visaient à examiner la fragilité du stade du neurodéveloppement (in vivo, durant la gestation chez le rongeur et in vitro, sur des cellules neuronales souches) en réponse à des expositions à des niveaux de champs électromagnétiques 2G égaux ou supérieurs aux limites. Nos données in vivo indiquent une diminution du niveau d’exploration des rats adolescents exposés durant leur développement. Ceci suggère une modification à long terme sur le développement cérébral. Nos données in vitro suggèrent des effets des CEM-RF sur la différenciation et l’intégrité des cellules neuronales souches, détectés par une augmentation de leur prolifération et du nombre de cassures d’ADN. Ces effets ont été obtenus lors des tests in vivo et in vitro des niveaux de CEM-RF les plus élevés (2 W/kg sur le corps et 0,08 W/kg sur des cellules souches), qui, transposés à l’homme correspondent à des niveaux au-dessus des limites réglementaires d’exposition.

Sur le plan bioclinique, l’Ineris a mené des études sur les effets des CEM de la téléphonie mobile sur les effets biologiques chez l’Homme. Ces études (projet Physioref) visaient à déterminer les effets d’une exposition aigüe des CEM de GSM 900 MHz sur l’activité électrique cérébrale. Les résultats ont montré qu’une exposition d’une vingtaine de minutes au téléphone portable entraîne une modification de la bande alpha dans l’électroencéphalogramme (EEG).

Achevé en 2020, le projet BRAIN-RF en collaboration avec l’Institut du cerveau et de la moelle de La Pitié-Salpêtrière, à Paris, visait à déterminer quelles régions sous-jacentes et structures neuronales étaient impliquées dans la modification de la bande alpha dans l’électroencéphalogramme (EEG) de repos lors d’une exposition aux champs des radiofréquences (GSM 900 MHz). En effet, les résultats ont montré une modulation significative de l'activité de la bande alpha MEG après l'exposition aux radiofréquences, avec différentes régions corticales impliquées en fonction de la condition des yeux, probablement en raison du niveau d'attention différent avec les yeux ouverts ou fermés. De nouveaux travaux sont en cours chez des volontaires sains avec des expositions 5G (2020-2023). Cette étude sera étendue à un plus grand nombre de sujets dans le cadre du projet européen GOLIAT, et l’étude des fonctions cognitives y sera approfondie.

L’Ineris a lancé le programme de recherche Sensi- RF pour rechercher chez des personnes se déclarant électrosensibles des marqueurs et indices physiologiques. Ce programme est articulé en 3 étapes :
i) questionnaires pour caractériser la population des électrosensibles recrutés dans l’étude,
ii) étude clinique des profils biologiques en l’absence d’exposition aux CEM
iii) étude clinique des profils biologiques lors d’une exposition en double aveugle.
Comme à ce jour, il n’y a pas de marqueurs de ce syndrome, l’étude explore les grandes fonctions physiologiques susceptibles d’être affectées, par des mesures électrophysiologiques et la mesure de marqueurs endocriniens, circadiens et immunitaires au niveau salivaire et urinaire. Les résultats ont montré que si la majorité des indices et des marqueurs, en absence d’exposition intentionnelle en laboratoire, ne sont pas perturbés chez les sujets électrosensibles, l’activité de l’amylase salivaire, représentative du système sympathique est plus élevée chez les électrosensibles par rapport aux contrôles (non EHS). De plus, l’analyse de la réponse électrodermale (représentative du système nerveux autonome) montre une tendance à une différence dans les réponses aux stimuli sonores pour le groupe EHS (nombre plus élevé de réponses aux stimulations). Ces résultats suggèrent une altération du système nerveux autonome. Cependant, une exposition intentionnelle au laboratoire à 4 différents signaux de radiofréquences (GSM900, GSM1800, Wi-Fi, DECT) ne montre aucune modification majeure des indices physiologiques ni des paramètres biochimiques étudiés chez les EHS.

Le projet Neuroprem-RF, coordonné par l’unité mixte de recherche Péritox et achevé en 2021, a étudié l’exposition post-natale aux radiofréquences de nouveau-nés prématurés et un lien potentiel avec le développement postnatal précoce. Les résultats montrent que les nouveau-nés prématurés sont exposés de façon chronique et continue aux radiofréquences. Cette exposition dépend très fortement des spécificités de l’environnement de mesure. Dans l’étude, les niveaux étaient globalement très faibles, ponctués de valeurs élevées, essentiellement liées aux activités humaines (téléphones portables). Il a également été trouvé un lien entre l’exposition RF et des modifications de l’état et de l’activité de certaines fonctions neurophysiologiques et de leurs systèmes de régulation chez les nouveau-nés prématurés. Les effets sont très discrets et ne représentent en rien un danger à court terme pour les enfants aux niveaux observés.

L’étude de la toxicité cutanée des radiofréquences

Le projet SKIN-RF, « Réponse cellulaire à une co-exposition de radiofréquence (RF) et du rayonnement solaire ultraviolet (UV) chez l'homme avec un modèle in vitro de la peau (SKIN-RF) », mené de pair avec la Hongrie, entre 2016 et 2019, a permis de déterminer si l'exposition aux signaux radiofréquences, seuls ou en combinaison avec un rayonnement UV, pouvait avoir des conséquences sur l'intégrité de la peau. Il a été constaté que l'exposition aux RF réduisait la concentration de l'enzyme MMP-1 dans de la peau préalablement traitée par les UV. Cette enzyme est impliquée dans le processus de vieillissement. Un approfondissement avec plus d’échantillons serait nécessaire pour augmenter la puissance statistique de certains résultats. Cette approche peut être appliquée à l'évaluation des effets sur la peau exposée aux rayonnements micro-ondes de la technologie mobile 5G. En effet, avec la 5G, les fréquences plus élevées utilisées présentent une absorption principalement superficielle au niveau de la peau. Un projet sur ce thème est prévu en collaboration avec l’université de Rouen, l’université de Liège et le Centre national public de la santé à Budapest.

Conclusion

Si les données scientifiques sont encore insuffisantes pour livrer des conclusions définitives sur un effet sanitaire, la possibilité d’effets biologiques, en réponse à la répétition d’expositions, est en cours d’étude. C’est ce que tend à démontrer l’ensemble des études susmentionnées et leur poursuite permettra, ainsi, une meilleure évaluation des effets causés par une exposition aux champs électromagnétiques.  L’Ineris se focalisera plus particulièrement sur les questions de recherche suivantes, en faisant évoluer les expositions vers les fréquences utilisées dans la 5G et des co-expositions (pesticides) :

  • effets sur l’activité électrique cérébrale ;
  • neurodéveloppement ;
  • impact des ondes RF sur le système sensoriel et en particulier la régulation thermique ;
  • effets cutanés.

De nombreux travaux de recherche ont donc été menés et sont encore menés à ce jour par l’Ineris et d’autres organismes sur le sujet, que ce soit en France ou en Europe.