Comportement des composés aromatiques polycycliques oxygénés (CAP-O) dans les sols et les eaux souterraines

Rapport d'avancement : résultats des travaux menés par l'Ineris en 2024


Description

Dans les pays à forte tradition industrielle, on recense de nombreux sites pollués par des Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP). D’autres familles de composés aromatiques polycycliques (CAP) sont souvent présentes sur ces sites, pouvant contribuer à l’impact et donc au risque pour l’Homme et l’Environnement. Il s’agit des CAP alkylés et des CAP contenant un ou plusieurs hétéroatomes (CAP polaires). Depuis 2013 l’Ineris s’intéresse aux composés aromatiques polycycliques oxygénés (CAP-O) du fait de leur persistance, de leur toxicité potentielle (au moins du même ordre que les HAP) ainsi que de leur mobilité dans les sols au regard de leur solubilité plus élevée que celle des HAP. De par ces caractéristiques, les CAP-O peuvent ainsi être considérés comme étant des composés PMT (persistants, mobiles et toxiques).

Dans la perspective d’introduction des CAP-O dans la liste des composés visés par les diagnostics et programmes de surveillance des sites pollués par des HAP, les travaux de l’Ineris de ces dernières années ont permis de lever un certain nombre de verrous scientifiques préalables : méthodes d’analyse des CAP-O dans les eaux souterraines, compréhension des mécanismes gouvernant le transfert des CAP-O dans les sols, distances et voies de transfert des CAP-O dans les eaux souterraines, persistance des CAP-O sur les sites contaminés par des HAP, toxicité des CAP-O, etc.

Les travaux réalisés en 2024 et présentés dans ce rapport, ont porté sur la réalisation d’expériences en colonne de laboratoire sur un HAP modèle (le fluorène) et un CAP-O modèle (la fluorénone). Les résultats de ces expériences ont été mis en perspective avec ceux des expériences menées depuis le démarrage des travaux de l’Ineris sur les CAP-O, afin d’identifier les mécanismes impliqués dans le comportement des CAP-O dans les sols. Les principaux résultats suggèrent que  :

  • les mécanismes responsables de la rétention des CAP-O dans les sols ont principalement lieu en surface des particules de sol ;
  • les CAP-O sont relargués de manière préférentielle à partir des sources de pollution, par rapport aux HAP ;
  • l’affinité des CAP-O pour le sol est inférieure à l’affinité des HAP pour le sol. Ceci implique une migration des CAP-O vers les eaux souterraines plus rapide que les HAP. Les CAP-O sont de ce fait, plus mobiles dans les sols et les eaux souterraines que les HAP et pourront former des panaches de pollution plus étendus, pouvant ainsi atteindre plus facilement des cibles sensibles telles que des captages d’alimentation en eau potable ;
  • en termes de toxicité, les données recueillies en 2024 au cours d’une revue de la littérature couplée à l’utilisation des outils de prédiction des effets SwissADME et Endocrine disruptome ont montré que l’absorption intestinale passive et le passage de la barrière hématoencéphalique sont possibles pour chacun des 11 CAP-O testés. Les CAP-O présentant le plus grand nombre de cycles sont les plus susceptibles de se fixer sur certains récepteurs impliqués dans la perturbation endocrinienne, à savoir les récepteurs des androgènes et anti-androgènes, des estrogènes et anti-estrogènes. Dans chacun des cas, les affinités du CAP-O et de son HAP parent sont proches, ce qui suggère une probabilité de liaison similaire pour les deux familles de substances.

En conclusion, ces résultats démontrent l’intérêt de rajouter les CAP-O dans les diagnostics et programmes de surveillance des sites pollués par des HAP. Ainsi, afin d’encourager et faciliter l’appropriation de cette nouvelle pratique, ces molécules seront ajoutées dans la base de données ActiviPoll par le BRGM en 2025 (à partir des données transmises par l’Ineris en 2024). Enfin, l’offre analytique doit également continuer à se développer afin d’accompagner cette évolution.

Ce travail a été réalisé dans le cadre des missions d’appui de l’Ineris au ministère chargé de l’environnement.