Avantages et inconvénients du recyclage des matériaux contenant des additifs dangereux : Une approche économique et son illustration avec le cas du PVC souple et du DEHP


Description

La réutilisation des matériaux, en particulier des matières plastiques, est une option intéressante en termes de promotion de l'économie circulaire, d’utilisation efficace des ressources et d’économie d'énergie, et donc en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants. Cependant, le recyclage pose des questions en ce qui concerne les risques potentiels pour la santé humaine et l'environnement lorsque des additifs dangereux de matières plastiques sont également recyclés, qui sans recyclage auraient été remplacés par des produits chimiques plus récents et moins dangereux dans les nouveaux matériaux vierges.
Un cas particulier de ce problème est celui des décisions européennes en cours concernant le phtalate DEHP dans le cadre de son utilisation comme plastifiant du PVC. La question est posée, dans le cadre du règlement REACH, de savoir si le recyclage a suffisamment d’intérêt pour justifier d’accorder à des entreprises l’autorisation de continuer à recycler du PVC comportant du DEHP.
On propose dans ce travail un premier cadre simple de modélisation pour évaluer le coût externe total de l'utilisation d'une matière plastique, en tenant compte des impacts sanitaires et environnementaux de toutes les étapes industrielles (production de plastique vierge, incinération et recyclage), et notamment les effets sur la santé du recyclage d’éventuels additifs dangereux lors du recyclage de la matière plastique. Sous diverses hypothèses sur la croissance future du marché, des taux d'incinération et de recyclage, il est possible de faire des projections et de comparer les différentes options de stratégies de recyclage du matériau.
Nous appliquons ensuite ce modèle à des fins d'illustration au cas du PVC souple en France, en établissant un scénario de référence tendanciel et en lui comparant deux scénarios : l’un avec une augmentation plus rapide des taux de recyclage, et un autre avec un arrêt du recyclage. En premier lieu, le modèle permet d’estimer que les coûts externes annuels totaux de l’alimentation du marché français en PVC souple sont d’un ordre de grandeur se situant à la centaine de millions d’euros (soit 30% environ de la valeur annuelle du marché du PVC souple).
Nous montrons que l’augmentation du recyclage a pour conséquence dans un premier temps d’augmenter le total des coûts externes. Toutefois, à partir d’un certain temps (variable en fonction des paramètres) il y aura un bénéfice global positif et croissant à augmenter les taux de recyclage. Toutefois, ce temps au-delà duquel l’augmentation du recyclage devient positive malgré le prolongement de la présence du DEHP est extrêmement variable en fonction des paramètres du modèle, essentiellement en fonction des valeurs des coûts externes de DEHP. Globalement, les différences demeurent de toute façon faibles en termes relatifs (ordre de grandeur de 1 à 2 %) sur les coûts externes totaux cumulés sur la période analysée (20 ans), si toutefois les valeurs extrêmes possibles pour le coût sanitaire du DEHP sont écartées.
Nous avons également simulé un scénario fictif d’arrêt total du recyclage, qui se révèle provoquer une augmentation plus sensible à long terme des coûts externes totaux, également d’un ordre de grandeur très dépendant de la valeur unitaire des dommages sanitaire du DEHP.
Ce type de modèles et de calculs est utile pour montrer les dynamiques temporelles et les tendances de long terme, les comparer au court terme, et suggère notamment que le recyclage est toujours profitable à long terme.
L’incertitude sur les coûts externes du DEHP serait toutefois réduite et pourrait permettre un usage plus opérationnel du modèle pour aider à la décision, si, au lieu d’un cas illustratif sur l’ensemble du PVC souple, on travaillait sur le cas d’articles bien définis, car alors les concentrations en DEHP, les conditions d’exposition aux articles et les impacts sanitaires pourraient être mieux précisés.
Une utilisation plus opérationnelle en termes de guidage de politiques pour un matériau précis suppose un certain nombre de progrès :
-    En tout premier lieu l’amélioration des données sur les impacts sanitaires des additifs des matériaux. Rappelons qu’au-delà du cas du DEHP les additifs d’un matériau donnés sont très nombreux, et que les additifs qui remplaceront les anciens additifs « bannis » sont souvent encore moins bien connus.
-    Le développement d’un cadre de modélisation plus fin, prenant en compte un ensemble d’articles avec des durées de vie différenciées et avec un mélange de leurs flux lors du recyclage. Le rapport indique la marche à suivre en ce sens.
Enfin, le développement de tels modèles serait utile pour étudier les conditions d’une durabilité de l’économie circulaire. En effet, introduire le recyclage, même intense, dans l’économie, ne garantit pas que les coûts externes de l’emploi de matériaux restent en-deçà de ce qui est supportable à terme pour l’homme et pour l’environnement. Le déploiement de modèles capables de projections quantitatives à très long terme, pourrait permettre de se fixer des objectifs de recyclage dont on saurait mieux s’ils respectent les contraintes environnementales et sanitaires de long terme, un peu à l’instar de ce qui est fait pour les objectifs de limitation des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine du changement climatique.