Quelles priorités dans la lutte contre l’ozone ?

L’ozone est et restera un sujet d’étude dans les années à venir, du fait de sa sensibilité au transport de la pollution atmosphérique à longue distance et aux effets du réchauffement climatique.

En quoi le changement climatique affecte-t-il les épisodes d’ozone ?

En conduisant à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, le changement climatique conduira à l’avenir à renforcer les conditions propices à la formation d’épisodes de pollution à l’ozone puisque les mécanismes photochimiques de formation d’ozone sont favorisés pendant les périodes de forte chaleur et de fort ensoleillement. Il s’agit là du facteur dominant qui conduit à une augmentation nette des concentrations futures d’ozone sur les zones continentales visibles sur la cartographie ci-dessous qui affectera l’exposition des populations et des écosystèmes terrestres.

On note cependant toute une série d’autres mécanismes qu’il faut prendre en compte. Il y a sur la même cartographie des baisses de concentration d’ozone sur les zones maritimes qui sont imputables à l’augmentation attendue de l’humidité relative dans un climat plus chaud.

Mais l’effet du changement climatique ne se limite pas à la formation de l’ozone. Celui-ci influe aussi sur les émissions de composés chimiques précurseurs de l’ozone, tels que les composés organiques volatils d’origine biotique, c’est-à-dire émis par la végétation. À tel point que ces émissions naturelles vont compenser les efforts consacrés à la réduction des émissions de COV et de NOₓ liées aux activités humaines.

 

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Cartographie de l’augmentation d’ozone future imputable au changement climatique d’ici la fin du siècle. Si une baisse est attendue sur les surfaces maritimes, la majeure partie de l’Europe sera affectée par des augmentations du même ordre de grandeur que les améliorations constatées depuis 20 ans au prix d’importants efforts de réduction d’émissions de polluants.

Les plantes absorbent l’ozone, mais pas toujours

Le rôle futur de la végétation dans le cycle de formation de l’ozone demeure un sujet de recherche important.

En effet, la hausse des températures en été favorise les émissions de précurseurs de l’ozone (les composés organiques volatils) par les plantes. Mais en période de sécheresse, ces émissions sont réduites du fait du stress hydrique subi par la végétation. Par ailleurs, l’augmentation des concentrations ambiantes de CO2 pourrait aussi agir comme facteur limitant de l’augmentation des émissions de composés organiques volatils par la végétation.

À ces émissions de précurseurs d’ozone par la végétation biologiquement active, il faut aussi ajouter les feux de forêt (qui seront aussi renforcés par le changement climatique) qui affectent essentiellement la qualité de l’air à cause des particules fines, mais aussi en émettant d’autres gaz précurseurs d’ozone.

Le méthane contribue aussi largement à la formation de l’ozone, et lui aussi est émis à la fois par les activités humaines et par la biosphère en étant présent dans des réserves (permafrost et zones humides) qui pourraient être libérées sous l’effet du réchauffement.

On a dit plus haut que l’ozone affectait les rendements agricoles. C’est parce que les plantes absorbent l’ozone via leurs stomates, ce mécanisme constitue un « puits végétal » qui fait baisser les concentrations d’ozone atmosphérique. Mais ce « puits » disparaît dans des conditions de sécheresse, ou de « stress hydrique », car les plantes ferment leurs stomates et absorbent moins d’ozone. On a donc une rétroaction qui fait monter les concentrations d’ozone.

Les modèles pour quantifier les futures concentrations en ozone

Nous venons de brosser un paysage particulièrement complexe de réactions chimiques et de processus biologiques évoluant sous l’effet du changement climatique. Afin d’évaluer l’impact net sur la pollution à l’ozone, la recherche mobilise des modèles numériques du climat et de la chimie atmosphérique. Il devient ainsi possible de quantifier l’augmentation future des concentrations d’ozone à laquelle on peut s’attendre d’ici la fin du siècle.

Les estimations récentes indiquent que le changement climatique induirait une augmentation de la concentration en ozone de surface de l’ordre de 5 microgrammes par mètres cubes d’ici la fin du siècle dans la majeure partie de l’Europe, soit environ 10 % d’augmentation.

Cet impact est donc tout à fait majeur lorsqu’on le met en regard des tendances récentes. En effet, grâce à des efforts substantiels consacrés depuis les années 2000 à la réduction de précurseurs anthropiques (entre 30 et 50 % pour les NOx et les COV), une baisse de l’ordre de 10 % des pics d’ozone a été constatée en Europe.

Dans cet article, nous nous sommes focalisés sur l’effet du changement climatique et son impact sur les mécanismes environnementaux de formation et destruction d’ozone. Mais il ne faudrait pas oublier les polluants anthropiques qui continuent à poser un certain nombre de défis à la recherche, notamment pour construire les outils d’aide à la décision les plus pertinents au niveau local, national, européen, voire international. L’écart entre les réductions de précurseurs anthropiques (30 à 50 %) et la réduction des pics d’ozone constatées sur le terrain (10 %) depuis 20 ans illustre bien ce défi.

L’augmentation attendue des épisodes de pollution à l’ozone sous l’effet du changement climatique viendra compenser les efforts de réduction d’émission de polluants, ce qui ne fait que souligner le besoin de s’engager vers des mesures de réduction ambitieuses à la fois pour les précurseurs de polluants et pour les gaz à effet de serre.

Le rôle déterminant de la pollution transfrontière

L’ozone est l’exemple type du polluant influencé par le transport des masses d’air sur de très longues distances. L’Ineris a mené des travaux qui visaient à estimer le poids respectif, dans les niveaux d’ozone observés, de différents facteurs déterminants, tels que le transport des polluants à longue distance, la réduction des émissions, et la « pénalité climatique ». Un scénario à échéance 2050, dans lequel les politiques de gestion de la pollution atmosphérique et du changement climatique resteraient au même niveau d’ambition que ceux en vigueur dans les réglementations actuelles, a été étudié. Il apparait que les efforts de réduction des émissions de précurseurs sont entièrement contrebalancés par les imports transcontinentaux d’ozone. En revanche, une gestion concertée au niveau européen et international des réductions d’émissions de ces précurseurs, pourrait résoudre une large partie du problème et rétablir l’équilibre en faveur d’une réduction des niveaux d’ozone, en France et en Europe.

Ces éléments doivent encourager les décideurs politiques à maintenir une attention particulière sur la question de l’ozone qui, même si des progrès substantiels sont notés au cours des dernières décennies, reste un enjeu, en particulier pour l’Europe méditerranéenne. Le dispositif de surveillance doit être maintenu à un bon niveau, de même que le dispositif d’alerte ou de vigilance qui ne doit pas se limiter aux valeurs les plus élevées mais aussi prendre en compte une exposition plus chronique. Enfin, la concertation internationale est essentielle pour développer des moyens de luttes co-efficaces, à cause de la nature très particulière de ce polluant qui peut continuer à se former et transformer dans l’atmosphère à des centaines, voire des milliers de kilomètres des lieux d’émissions de précurseurs.

Graphique
Contribution relative de différents facteurs à la production d’ozone en 2050 sous l’effet des réglementations actuelles